mercredi 1 mai 2013

Apple risque de choir s' il arrête d'innover !!!



La firme à la pomme est lancée sur les montagnes russes de l'innovation. Elle préfigure un monde où l'homme sera plus important que jamais, où le paysage des entreprises devient de plus en plus mouvant.


Catastrophe ! L'entreprise fait à peine plus de 100 millions de dollars de bénéfices par jour. Ses ventes ont progressé de seulement 11 % au début de l'année. Ce terrible déclin étant prévisible et prévu, la valeur en Bourse de la firme a perdu près de 300 milliards de dollars en 200 jours. Pour consoler ses actionnaires, elle va leur verser 100 milliards de dollars. En tapant pour moitié dans ses réserves de 150 milliards de dollars, mais aussi en empruntant pour moitié afin de faire baisser ses impôts…

Ainsi va la vie chez Apple , l'entreprise la plus extravagante du moment et en même temps la plus révélatrice des temps à venir. C'est d'abord une entreprise bâtie sur l'innovation, depuis ses débuts il y a près de quarante ans. Son fondateur, Steve Jobs, avait recruté le patron de PepsiCo en 1983 en lui promettent de changer le monde. Dans la foulée, il créait l'ordinateur Macintosh qui devait conquérir la planète avec deux idées jusqu'alors étrangères à l'univers de l'informatique : simplicité d'usage et beauté de l'objet. Il avait le même projet quinze ans plus tard, avec l'iMac.
Le succès commercial est venu à partir de 2001 avec un autre produit : l'iPod, premier baladeur numérique à la fois… beau et simple. La société en vend plus de 350 millions d'unités. Elle fait encore plus fort avec son téléphone iPhone, mis sur le marché en 2007 et vendu à ce jour à plus de 250 millions d'exemplaires. Les profits s'envolent, le cours de Bourse avec. L'apparition triomphale de la tablette numérique iPad en 2010 entretient l'euphorie. L'année suivante, le chiffre d'affaires augmente de… 66 % pour atteindre 108 milliards de dollars. Un géant qui croît au rythme d'une start-up : une performance sidérante, sans précédent et peut-être indépassable. Le 19 septembre 2012, Apple vaut 659 milliards de dollars, la plus forte capitalisation boursière jamais relevée.

Mais ça tousse sur les marchés. Trois ans après l'iPhone, Apple avait lancé l'iPad. Trois ans après l'iPad… rien en vue. Les fans de la marque espèrent une annonce lors d'une conférence Apple le 10 juin prochain. Les experts évoquent une montre, une télé, un logiciel bien sûr révolutionnaire (Google a préempté le créneau des lunettes connectées). Certains en sont venus à compter les jours entre les lancements de déclinaisons des produits existants (ordinateur Macbook Air, tablette iPad mini, baladeur iPod Nano…) pour en arriver à une conclusion effroyable : le 10 juin, cela fera 230 jours que la firme basée à Cupertino n'aura rien annoncé de neuf contre une moyenne de 82 jours ces dernières années.
Les investisseurs craignent que la pomme dans laquelle ils ont croqué à belles dents finisse en trognon.
Cette fabuleuse histoire déborde largement le cadre de la high-tech. Elle montre d'abord le rôle de l'entrepreneur. Certes, nul n'est irremplaçable… mais Steve Jobs l'est peut-être un peu. C'est lui qui a créé l'entreprise, s'en est fait virer par la porte, est revenu par la fenêtre pour la relancer avec un succès phénoménal. Sa folie (1) a fait aboutir des projets fous. Sa formidable exigence a débouché sur des produits formidablement aboutis. Son talent de bateleur pour présenter ses nouveautés est disséqué dans des dizaines d'écoles et d'ouvrages.
Sa disparition après un cancer, il y a dix-huit mois, laisse l'entreprise apparemment désemparée, même si Jobs avait préparé sa succession avec Tim Cook, qui dirige désormais la firme. Plus que jamais, il n'est de richesse que d'hommes.

L'épopée d'Apple montre ensuite l'avers et le revers d'une entreprise fondée sur l'innovation. L'avers, c'est la capacité à imposer de nouveaux produits, avec des prix élevés dégageant des marges colossales (à lui seul, l'iPhone aurait généré plus de 25 milliards de dollars de profits sur la dernière année écoulée). Apple vit sur ses rentes.
Le revers, c'est que ses rentes fondent. Comme le cycliste tombe s'il arrête de pédaler, l'entreprise risque de choir si elle arrête d'innover. Il y a cinq ans, l'iPhone était un must absolu. Aujourd'hui, le Samsung Galaxy est un vrai rival. Face à cette nécessité vitale d'innovation, la firme décline des gammes de produits, comme avec l'iPad et l'iPad mini. Mais elle cannibalise alors ses vedettes. La course à l'innovation produit mécaniquement de la fragilité - et pas seulement dans la high-tech. Nous allons vers un paysage d'entreprises infiniment plus mouvant que par le passé.
Enfin, il y a des signes de déclin qui ne trompent pas. La bataille opiniâtre des brevets livrée l'an dernier contre Samsung par Apple en est un.
Car le coeur de son succès n'est pas dans les brevets, contrairement par exemple aux laboratoires pharmaceutiques.

L'entreprise fait d'ailleurs peu de recherche (3 % de son chiffre d'affaires alors que des sociétés comme Alcatel, Dassault Aviation ou Thales font entre 15 et 20 %).

La crispation sur ce sujet, jusqu'à vouloir s'arroger l'exclusivité des coins arrondis pour les téléphones, semble indiquer des dirigeants qui perdent confiance dans les capacités de leur entreprise.
De même, l'intention de reverser des montagnes d'argent aux actionnaires révèle que l'entreprise manque de projets et donc d'avenir. Microsoft avait fait le même aveu en 2004 en versant un superdividende. Il est pourtant bien trop tôt pour enterrer Apple, qui a déjà défié le sort à maintes reprises. L'entreprise a su renaître avec Steve Jobs. Reste à savoir si elle pourra renaître sans lui.
(1) Voir l'épatante biographie de Walter Isaacson, « Steve Jobs », qui vient de sortir en Livre de Poche (8,90 euros pour 930 pages, un prix pas très Apple).



inShare
44

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire