lundi 22 juin 2015

Thierry Bardy " Danone 2020 : Mieux qu’une stratégie, un nouveau Monde "



Franck Riboud explique la stratégie de Danone pour 2020.

On aurait pu s’attendre à des déclarations de type « devenir le leader de … » ou « atteindre une rentabilité de … » ou encore « développer tel ou tel nouveau marché ».

Pas du tout.
Les lignes stratégiques de Franck Riboud sont beaucoup plus puissantes.
Plus qu’une stratégie, c’est un nouveau Monde pour Danone que propose Franck Riboud à ses équipes. 
Voilà sa réponse à la question "quelles sont vos lignes stratégiques :

Premièrement, Danone sera une entreprise qui a réfléchi aux grands enjeux de l’alimentation dans le Monde de demain et parfaitement en phase avec ces enjeux économiques sociaux écologiques et santé publique.

Deuxièmement une entreprise qui a revisité sa relation avec l’amont (pour mieux maîtriser ses matières premières) et l’aval (pour tirer parti des nouvelles formes de distribution).

Troisièmement, une entreprise avec une organisation adaptée aux nouvelles formes de travail et aux nouveaux modèles d’entreprises basés sur les alliances.

Pourquoi dire qu'une stratégie-Monde-voulu pour 2020 est plus puissante que des lignes stratégiques « classiques » ?
Dire la stratégie-Monde-voulu permet d’expliquer à vos équipes à la fois la nécessité et les moyens de penser les nouvelles synchronisations nécessaires avec ses clients, ses fournisseurs, ses partenaires, ses collaborateurs… et si l’entreprise réussit à basculer dans ce Monde-voulu, alors elle arrivera à tenir des objectifs somme toute assez classiques.
Résumé : un Monde-voulu, c’est plus qu’une simple déclaration « ce que nous voulons être », c’est « ce que nous voulons être pour nous resynchroniser avec un environnement dont les évolutions sont elles aussi décrites »

J’imagine que beaucoup de lecteurs de ce blog sont eux aussi en train de formaliser leur stratégie pour les années à venir. Pensez à cette manière de faire. Nous pouvons vous aider.
Puis n’oubliez pas qu’après avoir dessiné votre stratégie-Monde-voulu, vous devrez gérer la transformation correspondante.
Par construction, votre entreprise n’est pas alignée avec votre Monde-voulu 2020.
Il ne suffira pas de faire une grande convention ou de créer un incubateur ou un accélérateur etfaire comme tout le monde pour trouver la solution
Rencontrons nous pour en discuter  …

Thierry Bardy "Le robot français Pepper en rupture de stock en une minute au Japon"


 

 

 

 

 









Pepper le robot doué d'empathie inventé par des Français et vendu par l'entreprise Japonaise SoftBank a été commercialisé à destination du grand public samedi au Japon.

Il aura fallu moins d'une minute pour que les 1 000 robots mis sur le marché samedi au Japon soient vendus. Malgré un prix s'élevant à plus de 7 000 euros en prenant en compte les coûts engendrés par les applications et assurances (Pepper en lui-même ne coûte « que » 1 400 euros), les exemplaires du robot doué d'émotions et capable de comprendre celles de son propriétaire se sont arrachés comme des petits pains. D'autres unités devraient être mises en vente tout au long de l'été. A l'automne prochain, une version spéciale entreprise sera dévoilée.


Pepper est le premier robot humanoïde à destination du grand public à être doué d'empathie. Équipé d'un système de reconnaissance faciale, il repère une personne à plus de trois mètres. Il comprend des expressions basiques du langage verbal et corporel humain, comme le sourire, le froncement de sourcil et des émotions comme la surprise, la colère ou la tristesse. Pepper est également capable d'analyser l'intonation de la voix de son interlocuteur, ainsi que son champ lexical.

Thierry Bardy - l'IT en 2030, Club Open Prospective

















L’IT en 2030
La prospective… un sujet toujours délicat, qui doit permettre à la créativité et à l’imagination de se projeter dans l’avenir tout en gardant à l’esprit les réalités concrètes du business et des organisations d’aujourd’hui. 2030 ne parait plus si lointain, et pourtant comment définir à quoi les acteurs de l’IT – et le reste de l’économie – vont être confrontés en à peine 15 ans ? La vitesse à laquelle le monde a changé depuis l’an 2000 en est un rappel flagrant. Les invités du Club des Partenaires IT ont malgré tout accepté de se prêter au jeu, mercredi 10 juin. Dans les salons de SwissLife Banque Privée, le dernier dîner-débat avant l’été avait pour thème : « L’IT en 2030″.


De l’économie collaborative à l’usine du futur, les intervenants ont essayé de brosser le paysage de leurs univers respectifs, qui – d’ores et déjà – change à grande vitesse. Il y a seulement 5 ans, rares étaient d’ailleurs ceux à prédire le succès foudroyant d’un BlaBlaCar, justifié d’après son CEO par une approche technologique fortement innovante, au côté d’un business model différent. Parmi les facteurs les plus influents dans le changement, mis en avant par les intervenants de la soirée, on retrouve des phénomènes forts : l’Internet des Objets (IoT), l’agilité des hommes et des organisations autant que celles de leurs outils informatiques, mais aussi l’ouverture. Car, en filigrane des changements décrits par les participants à ce dîner-débat du Club, l’importance de pouvoir échanger – en sortant de son secteur immédiat de spécialité – apparait comme l’un des moyens les plus crédibles pour pouvoir prévoir et s’adapter. De l’open-source à l’open-prospective, en passant par l’open innovation… le temps où un acteur seul pouvait espérer grâce à sa R&D imposer sa vision à plusieurs années parait révolu.










Décryptage de nos intervenants : 

- Pascal Brosset – Senior VP Innovation – Chief Technology Officer – Schneider Electric
« Le monde de Schneider Electric est aujourd’hui numérique. Dans la gestion des datacenters par exemple, avec des systèmes fondamentalement techniques et complexes, tout est en train de changer. Des bytes jusqu’au SCADA, ce monde était fermé, peu flexible… Face à la rapidité des changements sur les marchés, les verrous sautent. De nouvelles approches réseaux permettent à des capteurs autoalimentés, autonomes, de remonter dans le cloud immédiatement toutes les données intéressantes, sans passer par la multitude de couches complexes des systèmes historiques. Offrant à de nouveaux acteurs la possibilité de s’en emparer.
Nous avons dû nous adapter en permettant la prise en compte des possibilités de l’IoT jusqu’aux plus bas niveaux des pièces et des composants. Le problème c’est que cela à en parallèle « ouvert la porte aux Barbares » : nous ne sommes plus protégés par des protocoles fermés, propriétaires, sur lesquels nous étions les seuls à avoir la main. Mais jusqu’en 2030, de l’IoT au cloud, en passant par le software-defined network, notre centre de gravité continuera de changer, vers beaucoup plus de simplicité, d’accessibilité, d’optimisation, de flexibilité pour des structures qui ne l’étaient pas du tout par avant, des usines aux mines, en passant par les raffineries. »


- Thierry Bardy, Vice-Président Open Innovation et Business Développement d’Orange Labs
 « Nous avons initié il y a peu COP2030, un club d’open-prospective. Comme dans tout grand groupe, il est toujours délicat d’appréhender les sujets d’avenirs, plus ou moins lointain, en des termes qui permettent de définir ce qui va changer concrètement pour l’entreprise. Nous avons essayé d’ouvrir le plus possible cette réflexion à la créativité et à la sérendipité, et nous avons étendu notre groupe originel au-delà de ses frontières initiales, en intégrant d’autres acteurs. Entre 2010 et 2015, nous voyons maintenant que nous avons évolué d’une économie de l’attention à une économie de la contribution, du partage… Quels vont être les évolutions suivantes ? Pour scénariser des pistes possibles, il faut être plusieurs, amenant des visions différentes – être capable d’organiser le transfert de la prospective à la R&D. Pour prévoir, il est essentiel d’être ouvert et de travailler en mode collaboratif. C’est une obligation pour réussir dans un monde aussi complexe. Il faut aller chercher au-delà de son secteur, en utilisant le dénominateur commun à tous : la technologie, les plateformes informatiques, qui sont autant de plateformes de mise en relation. »


- Philippe Dewost, Directeur adjoint en charge de l’économie numérique – Mission programme d’investissement d’avenir à la Caisse des dépôts
« Quand on évoque la dissolution de la DSI dans les années à venir, les gens entendent « disparition » alors qu’il s’agit exactement du mouvement contraire. Emmanuel Macron souhaitait il y a peu voir le CAC40 renouvelé pour 75% à horizon 2030. J’ai la conviction profonde que le quart restant sera celui où le DSI sera entré au Comex, profitant d’un changement de génération et d’une adaptation forte. Mais ce n’est pas tout, à horizon 2030, l’un des plus grands différenciateurs pour les organisations aura été l’Internet des Objets. On peut imaginer que la loi de Moore aura fait son travail, au-delà de la multiplication déjà exponentielle du nombre d’objets lui-même. Les deux combinés vont rendre, d’après une étude récente, très difficile la gestion des écosystèmes d’objets de manière centralisée, changeant la nature des approches technologiques autant que des business models. Le peer-to-peer ne sera plus seulement une histoire de piratage qu’une nouvelle forme d’organisation de nombreux systèmes complexes. Une logique qui se voit bien avec une rupture technologique aussi forte que Blockchain, alors que tous les regards se contentent d’observer uniquement son premier usage, le bitcoin. ».


- François Stephan, Directeur de Programme, IRT SystemX
« En 2030, la ligne 18 du métro sera opérationnelle et reliera la capitale avec le cluster Paris-Saclay. Ce plateau exceptionnel réunit énormément d’intelligence et de matière grise, des grandes écoles, des universités, des laboratoires de recherche, des centres R&D de grandes entreprises de Danone à Safran. L’IRT SystemX est au cœur de cet écosystème : nous sommes le bras armé du pôle de compétitivité Systematic, pour avancer beaucoup plus vite sur certains sujets technologiques de pointe, où l’innovation vient souvent des jeunes pousses. Nous les aidons à entrer en relation avec les grands groupes, avant tout autour des problématiques techniques les plus complexes à résoudre. En mélangeant au sein d’un même lieu des profils et parcours différents, nous débloquons l’innovation. Parmi nos sujets de prédilection : aider les très grands à être beaucoup plus agile dans leur ingénierie ; permettre à l’écosystème français de se positionner sur le transport autonome, comme le font Google, Apple ou Uber ; enfin développer les Smart Territories, du transport jusqu’à la gestion de l’eau, afin de rendre plus attractifs et compétitifs tous les territoires. »



Thierry Bardy - Club open prospective













Le prochain dîner aura lieu mercredi 7 octobre 2015.

lundi 8 juin 2015

Thierry Bardy - Bon anniversaire La Fing !

Bon anniversaire La Fing !

La Fondation internet nouvelle génération a été créée il y a 15 ans par Daniel Kaplan, Jacques-François Marchandise et Jean-Michel Cornu. Binaire fait partie des admirateurs et amis de cette fondation. À l’occasion de cet anniversaire, Serge Abiteboul a rencontré Daniel Kaplan délégué général de la Fing.
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Daniel Kaplan , 2009, Wikipédia
Daniel Kaplan , 2009, Wikipédia

Est-ce que tu peux définir la Fing en une phrase ?

Nous avons changé plusieurs fois de manière de définir la Fing, mais celle que je préfère (et vers laquelle nous sommes en train de revenir) est la suivante : « la Fing explore le potentiel transformateur des technologies, quand il est placé entre des millions de mains. »

La Fing a 15 ans, quels ont été selon toi ses plus beaux succès ? Ses échecs ?

Nous avons su produire des idées neuves qui font aujourd'hui leur chemin comme la « ville 2.0 » en 2007 ou le self data (le retour des données personnelles aux gens) à partir de 2012. Nous avons (avec d'autres, bien sûr) joué un rôle déterminant dans le développement des open data et des Fab Labs en France. Nous avons contribué à la naissance de beaux bébés qui ont pris leur indépendance, comme la Cantine (devenue Numa à Paris, mais qui a aussi essaimée ailleurs en France), la 27e Région, InnovAfrica. Internet Actu est devenu un média de référence pour des dizaines de milliers de lecteurs.
Il y a des réussites qui se transforment en déceptions. Le concept d' « espaces numériques de travail » (ENT) dans l'éducation est largement issu de la Fing, mais 13 ans plus tard, il est difficile de s'en vanter quand on voit (à des exceptions près) la pauvreté de ce qu'ils proposent en pratique aux enseignants comme aux élèves. En 2009, avec la « Montre Verte », nous étions les pionniers de la mesure environnementale distribuée, mais nous avons eu tort de poursuivre nous-mêmes le développement de ce concept, parce que nous étions incapables d'en assurer le développement industriel.
Même si nous avons beaucoup de relations à l'international, trop peu de nos projets sont nativement internationaux. La rigidité des financements européens y est pour beaucoup, et il nous faut trouver d'autres moyens de financer de tels projets.
Mais au fond, notre vrai succès, c'est que dans toute une série de domaines, on ne pense plus au lien entre innovation, technologie, mutations économiques et transformations sociales, sans un peu de « Fing inside ». C'est sans doute pourquoi l'Agence nationale de la recherche nous a confiés (en 2010) le pilotage de son Atelier de réflexion prospective sur les « innovations et ruptures dans la société et l'économie numériques », qui a mobilisé le meilleur de la recherche française en sciences humaines et sociales.

Est-ce que vous avez l'intention de changer ?

La Fing a muté à peu près tous les 5 ans et en effet, elle va encore le faire. Parce que le paysage numérique a bougé. Le numérique n’est plus « nouveau » en revanche, le sens de la révolution numérique pose question. Dans le numérique et autour de lui, des communautés nouvelles émergent sans cesse et ne savent pas nécessairement qui nous sommes. D’autres sujets technosociaux montent en importance, par exemple autour du vivant, de la cognition ou bien sûr, de l'environnement. Enfin, les demandes qui s'adressent à nous évoluent. On veut des idées, mais aussi les manières de les mettre en œuvre ou encore, des preuves de concept plus avancées, de la prospective, mais utile à l'action immédiate. Déjà très collaboratif, notre travail doit s'ouvrir encore plus largement et la dimension européenne devient essentielle.

Comment vois-tu le futur d'Internet ?

Comme un grand point d'interrogation ! S'agissant du réseau soi-même, nous avons tenu 20 ans (depuis l'ouverture commerciale de l'internet) en ne changeant rien de fondamental à l'architecture de l'internet, du moins officiellement. D'un côté, c'est un exploit presque incroyable : le réseau a tenu, il s'est adapté à une multiplication par 10 000 du nombre d'utilisateurs et à des usages sans cesse plus divers et plus exigeants. Mais cela a un prix : les évolutions majeures se sont en fait produites « au bord » de l'internet, par exemple dans les réseaux de distribution de contenus (CDN), dans les sous-réseaux des opérateurs (mobiles, distribution vidéo, objets connectés) et bien sur, dans tous les services dits over the top. Les solutions ad hoc se multiplient, les standards de fait sont plus qu'auparavant le produit de purs rapports de force, l'interopérabilité devient problématique (et ce n'est pas toujours fortuit)…
Nous n'échapperons pas à la nécessité de repenser les fondements de l'internet – en fait, ne pas le faire, c'est déjà un choix, celui de favoriser les plus forts. Ce ne sera pas facile, parce que certaines valeurs essentielles que l'internet d'aujourd'hui incorpore comme l'intelligence aux extrémités se sont imposées d'une manière un peu fortuite. Si l'on remet l'ouvrage sur le métier, il ne sera pas si facile de les défendre. Ce sera une discussion mondiale et fondamentalement politique. Lawrence Lessig écrivait Code is Law (le code fait Loi), j'ajouterais : « et l'architecture fait Constitution ». Mais il est vraisemblable qu'elle ne se présentera pas d'emblée sous cette forme, plutôt sous celle de programmes de recherche et d'expérimentations sur les réseaux du futur. La technicité des efforts masquera les choix économiques et politiques, il faudra être vigilant ou, mieux, proactif.

Quelles sont les plus grandes menaces pour Internet, pour le Web ?

D'un côté, l'internet et le web ont « gagné ». L'idée folle selon laquelle un même inter-réseau aurait vocation à connecter tous les humains et tous les objets, se réalise ; du côté des données, des documents et des applications, le cloud et le mobile consacrent la victoire du Web. Mais cette victoire est technique ou logistique, les idéaux fondateurs, eux, s'éloignent.
Il serait naïf de croire que des dispositifs techniques puissent à eux tout seuls amener un monde plus égalitaire, démocratique, collaboratif. Notre raison ne l'a jamais vraiment crû, je suppose. Mais notre cœur, si, et puis tout ce qui allait en ce sens était bon à prendre. Aujourd'hui, les puissances politiques et économiques reprennent la main et le contrôle, parfois pour les meilleures raisons du monde – la sécurité, par exemple.
Le risque majeur, au fond, ce n'est pas Big Brother, ni Little Sister (la surveillance de tous par tous). Il ne faut pas négliger ces risques, mais je crois qu'ils peuvent rester contrôlés. Le vrai risque, c’est la banalisation : que l'internet et le web cessent d'être la nouvelle frontière de notre époque, qu'ils deviennent de pures infrastructures matérielles et logicielles pour distribuer des services et des contenus. Cela arrivera quand la priorité ne sera plus de rendre possible l'émergence de la prochaine application dont on ne sait encore rien, mais d'assurer la meilleure qualité de service possible pour celles que l'on connaît. Nous n'en sommes pas loin.

Est-ce que le Web va continuer à nous surprendre ? Qu'est-ce qui va changer ?

On peut être inquiet et confiant à la fois ! Au quotidien, le web reste l'espace des possibles, celui dont se saisissent de très nombreux innovateurs pour tenter de changer l'ordre des choses – certains avec des finalités totalement commerciales, d'autres à des fins sociales, et beaucoup avec en tête l'un et l'autre. On peut sourire à l'ambition de tous ces jeunes entrepreneurs, sociaux ou non, qui affirment vouloir changer le monde, et en même temps se dire que ça vaut mieux que le contraire.
Ce qui se passe sur le Web, autour de lui, continue en effet de nous surprendre, et ce n'est pas fini. L'essor récent de la consommation collaborative, celui de nouvelles formes de monnaie, la montée en puissance des données (big, open, linked, self, smart, etc.), les disruptions numériques engagées dans la santé ou l'éducation, etc. Il se passe chaque jour quelque chose ! Il y a une sorte de force vitale qui fait aujourd’hui du numérique le pôle d’attraction de millions d’innovateurs et d’entrepreneurs et la source de la transformation d’à peu près tous les secteurs, tous les domaines d’activité humaine, toutes les organisations, tous les territoires.
En revanche, le numérique en général et par conséquent, le web et l'internet, sont de plus en plus questionnés sur ce qu'ils produisent, sur les valeurs qu'incorporent leurs architectures, les intentions derrière leurs applications, les rapports de force qu'encodent leurs plateformes. Dans la dernière édition de notre cycle annuel de prospective, Questions Numériques, nous écrivions : « Le numérique change tout. C'est sa force. Mais il ignore en quoi. C'est sa faiblesse. » La faiblesse de l'apprenti sorcier, qui devient difficilement tolérable quand celui-ci n'a plus de maître.
Je pense que notre prochaine frontière se situe au croisement des deux grandes transitions contemporaines, la transition numérique et la transition écologique. La transition écologique sait formuler son objectif, mais trois décennies après le sommet de Rio, force est de constater qu'elle ne sait pas décrire le chemin pour y arriver. La transition numérique, c'est le contraire : elle sait créer le changement, mais elle en ignore la direction. Chacune a besoin de l'autre. Nous allons chercher à les rapprocher.

lundi 1 juin 2015

Travail : peut-on résister aux injonctions paradoxales sans péter un boulon ?



injonctions  paradoxales












Dans un monde où marché et coachs en management font la loi, salariés et dirigeants sont submergés. Et le système se fissure de l'intérieur. Se soumettre ? Se démettre ?
Comment concilier l'inconciliable ?

« Soyons réalistes, demandons l'impossible. » Passé à la moulinette du management contemporain, le slogan fantaisiste de Mai 68 s'est trouvé propulsé de l'autre côté de la barricade. En catimini, il a atterri dans d'improbables cabinets de consultants chargés de standardiser les prescriptions de l'entreprise. Faire plus avec moins, avoir l'esprit collectif tout en se soumettant à des évaluations individuelles, renoncer à ses valeurs professionnelles pour mieux se réaliser, être libre de travailler en permanence grâce aux ordinateurs et aux téléphones portables…
Aujourd'hui, du cadre d'entreprise à l'employé administratif, de l'assistante sociale au salarié d'Orange, de l'infirmière à l'informaticien, tout le monde ou presque est sommé de concilier l'inconciliable. Au point que ces injonctions paradoxales pourraient bien finir par rendre tout le monde malade.
« Comment lutter contre ses pulsions schizoïdes et paranoïdes dans un contexte qui sollicite des comportements pervers ? », se demandent ainsi les sociologues Vincent de Gaulejac et Fabienne Hanique dans leur dernier essai, Le Capitalisme paradoxant. Fou, il y a de quoi le devenir. Les lieux de travail fourmillent d'équations inextricables à se taper la tête contre le bureau.
« Dans un centre d'appel d'une grande entreprise du secteur banque-assurance où nous avons enquêté, on demande au salarié de répondre très vite aux appels : le temps écoulé défile sur un bandeau. Et en même temps, il doit fournir un travail de qualité, répondre à fond à la question, donner satisfaction au client, alors qu'il n'a même pas accès aux dossiers », raconte par exemple la sociologue Dominique Méda. Fiabilité et rapidité, coût et sécurité, qualité de la relation client et productivité…

Le maniement du paradoxe

Révélé par des psychologues de l'école de Palo Alto, en Californie, le maniement du paradoxe, d'abord cantonné aux multinationales, a fini par s'immiscer partout, jusque dans les institutions publiques – à l'université ou à l'hôpital, dans la police ou la justice. « Cette situation, nous l'avions diagnostiquée à IBM dès les années 70 », précise Vincent de Gaulejac à propos de « l'autonomie contrôlée », notion aussi ancienne qu'usée à force d'avoir été pointée.
« On demande aux individus d'être des canards sauvages apprivoisés ! Ils doivent être créatifs tout en étant conformes à ce qu'on attend d'eux. » Ce mode de gestion né aux Etats-Unis s'est propagé en France dans les années 90, avant que le débat ne prenne récemment une tournure plus politique.
A l'heure des restrictions budgétaires, l'Etat lui-même impose à ses agents des orientations conçues par des « planneurs » mandatés pour produire des PowerPoint et raisonner en plans abstraits. Les nouveaux donneurs d'ordres, ce sont ces consultants extérieurs. Du coup, les conflits peinent à s'exprimer entre salariés et supérieurs hiérarchiques dans l'enceinte de l'entreprise.
« L'ambition managériale d'aujourd'hui est de créer une communauté dans laquelle tout le monde rame dans le même sens. Au sommet trône le marché, tandis qu'en bas on retrouve pêle-mêle les dirigeants, les cadres, les salariés de base qui sont tous dans le même bateau », analyse la sociologue Danièle Linhart. « Pour que chacun accepte de s'appliquer à soi-même ces prescriptions, il faut mener une action psychologique, en passer par une manipulation des subjectivités. »
Résultat, les tensions sont intériorisées. Et c'est tout un équilibre intime qui s'en trouve chamboulé. Sans compter qu'« on exige en plus une qualité totale, une satisfaction absolue, un projet d'amélioration infini… Or nul ne peut être dans le zéro défaut. Prise au sérieux, la somme de ces prescriptions idéales fabrique un monde impossible, ajoute la sociologue Marie-Anne Dujarier. Les gens ne se sentent jamais à la hauteur. »

Big bang managérial

Mis au défi de s'adapter à des demandes insoutenables, chacun cherche cahin-caha à ne pas y laisser trop de plumes. Quelles ressources déployer pour désamorcer les effets dévastateurs de ce big bang managérial ?
Option numéro un : développer des mécanismes de défense pour ne pas virer dingue. Enfermer ses doutes dans les profondeurs de son inconscient, ne plus penser par soi-même, rationaliser, se noyer dans le travail, refouler son moi et faire « comme si »… Quand une partie de soi accepte de se couler dans le moule tandis que l'autre se cache pour ne pas se laisser capter, « les psys parlent de personnalités "as if". Ce symptôme de psychopathologie est aujourd'hui devenu un phénomène social », avance Vincent de Gaulejac.
C'est en tout cas un jeu risqué qui peut même déboucher, dans les cas extrêmes, sur un sentiment de schizo­phrénie. Pas vraiment satisfaisant, donc, quoique moins coûteux à court terme qu'une résistance qui mobilise une énergie de tous les instants…
Option numéro deux : résister activement. Pour ne pas se laisser piéger, il faut pouvoir mettre à distance la violence institutionnelle par l'humour ou la dénonciation. Rire entre collègues de sa « médaille en chocolat », de « chiffres hystériques » ou d'« évaluation au doigt mouillé ». Désinvestir psychiquement le travail ou réinvestir des métiers qui font sens. Vénérer la lenteur plutôt que la vitesse, préférer la tranquillité au mouvement, renoncer à vouloir se dépasser…

Héros obscurs

« Tous les jours, des individus résistent à cette mise en tension. Ces héros obscurs refusent la course narcissique à la performance et à la reconnaissance, ils inventent d'autres modes d'existence, entre petits boulots et marginalités installées. Mais ces réactions restent encore invisibles », souligne Vincent de Gaulejac.
L'espèce humaine n'a donc pas dit son dernier mot. Malheureusement, le bricolage individuel a ses limites. Il s'attaque aux symptômes mais ne soigne pas le mal à la racine. « La souffrance et la paranoïa viennent du fait que les gens ont l'impression d'être les seuls à subir pareilles difficultés. Il est pourtant peu probable de devenir collectivement fous ! » affirme Danièle Linhart.
Les salariés le savent… et le formulent. « Quand vous les interrogez, tous disent qu'ils ne demandent que ça, un espace pour discuter sérieusement de leur travail avec un supérieur hiérarchique. Un moment pas seulement destiné à les évaluer, mais qui leur permette d'aborder les difficultés qu'ils rencontrent… »

C'était l'ambition des lois Auroux. Promulguées en 1982, elles espéraient donner le jour à des groupes d'expression. Raté. Il faut dire qu'à l'époque peu de monde en voulait. Les syndicats estimaient que c'était de leur ressort sans pour autant s'y coller, et les salariés étaient encore réticents à parler d'eux, de leur souffrance, dans le cadre du boulot. Un boulevard pour le patronat, qui a transformé ces espaces en « cercles de qualité » : importée du Japon dans les années 80, l'idée était de réunir une poignée de salariés à intervalles réguliers pour souder les équipes, améliorer la communication et le savoir-faire…
Quarante ans plus tard, il est devenu impossible d'ignorer les failles d'un modèle qui se fissure de l'intérieur. Alors les entreprises ont décidé de prendre le taureau par les cornes. Confrontées au risque de burn-out, elles raffolent des grandes messes concoctées par des coachs en management, lesquels se targuent d'« humaniser » la gestion grâce à des séances de méditation parfois collectives. Elles organisent des dîners en silence ou des séminaires de réflexion afin d'insuffler à leur personnel confiance en soi, maîtrise émotionnelle, optimisme, compassion et bienveillance.
Solution miracle, la mindfulness (pleine conscience) séduit toujours plus de dirigeants. A commencer par ceux de Google, qui ont lancé le mouvement avec leur programme baptisé « Search inside yourself » et se félicitent, par ailleurs, d'autoriser leurs ingénieurs à consacrer 20 % de leur temps à des projets personnels.

Siphonner le potentiel critique

Seulement voilà, comme les cercles de qualité, ces méthodes ne se lassent pas de faire miroiter une amélioration des performances et de la productivité. C'est la force du capitalisme, cette plasticité qui le rend capable de siphonner à la base le potentiel critique de certaines idées. Et de créer des outils sans cesse réajustés à un but qui, lui, reste inchangé.
« Créer des lieux d'échange véritable ne peut avoir de sens que si l'initiative part des individus eux-mêmes, estime Danièle Linhart. Ces derniers pourraient déployer leurs compétences et leur expérience pour contribuer à inventer de nouvelles organisations du travail qui ne les rendent pas malades. » En attendant, certains prennent les devants, comme ce postier qui, après avoir assisté aux séminaires de Vincent de Gaulejac, a décidé de monter un groupe informel d'histoires de vie professionnelle à l'heure du déjeuner.
A Radio France, c'est le personnel qui a sollicité le chercheur : « Les salariés ont beaucoup protesté contre le fait que les réformes avaient été conçues à l'extérieur, raison pour laquelle ils sont si remontés contre Mathieu Gallet, qui vient des cabinets ministériels. Au-delà du sauve-qui-peut généralisé, ils essaient d'inventer des espaces de délibération », observe Vincent de Gaulejac. La preuve que les mentalités commencent à évoluer…
En espérant qu'un jour ces innovations finissent par convaincre un personnel politique focalisé sur la croissance, obnubilé par les prochaines élections, handicapé par sa flagrante inexpérience du monde du travail et dépourvu d'imagination. Aujourd'hui, c'est sur le terrain que tentent de s'inventer les formes d'organisation de demain. Le changement, c'est ici et maintenant. Mais, hélas, sans les responsables politiques.

Thierry Bardy "Les APIs sont la clé de nouveaux marchés"

Les APIs nous mènent  vers une économie où sont privilégiées les données, la mobilité et la création de nouveaux services. Les applications mobiles par exemple ont besoin des APIs pour accéder aux données et aux transactions commerciales. Pour l'entreprise, la pression du temps d'accès au marché accélère le développement d'applications ponctuelles qui restent opérationnelles mais ne sont pas conformes aux règles de fonctionnement en mobilité ou à l'architecture des données mises en place par l'entreprise. La réponse tient à la hiérarchisation des APIs et à la mise en place d'outils de gestion avancés.
Pour mieux comprendre l'apport des APIs, rien ne vaut quelques exemples. Siemens a eu recours aux APIs pour développer un système de localisation et de vision de places de parking disponibles. Une application de smart cities. Lors du sommet mHealth, plusieurs démonstrations dans le domaine de la santé ont mis en valeur le rôle des APIs pour relier prescripteurs et patients. Les exemples existent, mais passer aux APIs demande à la fois de savoir les gérer et de pouvoir en créer, c'est le rôle respectif de deux filiales d'Intel, Mashery et Aepona.  
Dans le cas de Siemens, la solution de prévision pour trouver des places de parking va au-delà des capteurs au sol permettant de repérer les places libres. L’outil donne une image de l’endroit où se trouve la place libre, de l’itinéraire et du temps de parcours nécessaires pour s’y rendre. Il donne aussi une indication des vélos en libre-service les plus proches ou des véhicules mal stationnés. Une vraie gestion de la ville intelligente !
Des compagnies d'assurance aussi
Deuxième aspect dans l’utilisation des APIs, le domaine de la santé, un secteur dont l'avenir sera axé sur l'innovation et le partage de données. Pour faciliter la collaboration une couche de données API sécurisée doit être mise en place. Même des compagnies d'assurance s’inscrivent dans cette mouvance, comme Kaiser et Aetna qui souhaitent un écosystème intégré où une succession d'applications et d’appareils mobiles travaillent ensemble. Pour CarePass d'Aetna, une expérience connectée signifie qu'un utilisateur peut synchroniser ses données de manière à atteindre un objectif de santé. Chez Kaiser, une application permet de guider une jeune famille pendant l'accouchement (par exemple avec un moniteur de contraction connecté) en lien avec les dispositifs de collaboration des fournisseurs de soins.

Les écosystèmes envisagés doivent avoir la capacité de partager des données entre le patient et le fournisseur. Ils doivent également être suffisamment ouverts pour accueillir des innovateurs et des partenaires afin de créer de nouvelles expériences pour les patients et les prestataires extérieurs. Un défi pour le partage de données avec des APIs. Plusieurs démonstrations étaient présentes au sommet imshealth. AppScript, par exemple, une solution de prescription qui évalue plus de 40 000 applications de soins de santé mobiles dans iOS et Android. Elle donne ensuite un score à chaque application en fonction de divers facteurs. Ce qui donne aux professionnels de santé une meilleure possibilité de choix sur les applications à prescrire à leurs patients.