jeudi 3 août 2017

Thierry Bardy - Mobilité de demain; l'un des principaux enjeux du XXIème siécle



 

 

 

 

 

 

 

 

 La jeune pousse allemande a réussi à attirer le groupe Daimler à son tour de table. Les premiers vols sont prévus en fin d’année à Dubaï.

Volocopter sera-t-elle la première à réaliser le rêve du taxi-volant ? La jeune pousse allemande de Karlsruhe a, en tout cas, franchi une nouvelle étape en réussissant à boucler une levée de fonds de 25 millions d'euros, avec la participation de nouveaux investisseurs de renom comme le groupe Daimler et l'entrepreneur germano-polonais Lukasz Gadowski. De quoi lui permettre de lancer la production en série de son prototype de voiture volante, à mi-chemin entre le drone et l'hélicoptère, dont les premiers essais en conditions réelles devraient débuter « dans le courant du quatrième trimestre 2017 », à Dubaï.

Un pilotage largement automatisé

Capable d'emportre deux passagers au moyen de dix-huit rotors électriques, avec une autonomie de 20 minutes, le Volocopter a déjà effectué une centaine de vols d'essais à vide et un premier vol avec pilote en mars dernier. Si l'appareil nécessite toujours un pilote, son pilotage est simplifié à l'extrème, le contrôle de l'appareil en vol, au décollage et à l'atterrissage étant largement automatisés. Un bouton d'urgence permet notamment d'assurer un atterrissage en pilotage automatique.

Dubaï en pointe sur les taxis volants

Selon ses concepteurs, le Volocopters pourrait être commercialisé dès 2018 aux alentours de 250.000 euros. Mais pour l'heure, seules les autorités de Dubaï ont autorisé son utilisation au dessus d'une zone habitée, dans la perspective du déploiement d'un service de taxi-volant qui pourrait représenter, selon Volocopter, 25 % du transport interurbain de passagers à l'horizon 2030.

Airbus et Uber dans la course

Volocopter n'est toutefois pas seule en lice. En Europe, le groupe Airbus a deux projets de véhicules volants interurbains en, cours - un drone et une voiture volante - avec un premier vol prévu fin 2017. Plusieurs projets sont également en cours de développement aux Etats-Unis, dont ceux soutenus par Uber et par l'un des fondateurs de Google, Larry Page.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Vous rêviez, dans les années 1980, de piloter une voiture volante comme la DeLorean des héros de « Retour vers le futur II »? Vous pourrez peut-être le faire dans les années 2020. La Sea Bubble, promue par Anne Hidalgo, pourrait même être inaugurée dès cet été sur la Seine. Avec ou sans pilote, à décollage horizontal ou vertical: les pistes sont nombreuses et font phosphorer partout dans le monde. 6 acteurs en pointe.

1 Airbus, au-delà de l'aviation traditionnelle
Caractéristiques: Véhicule volant autopiloté
Siège: Amsterdam-Blagnac
Personne clé: Paul Eremenko
Airbus ne fait pas mystère de son intérêt pour le secteur. Le groupe a même débauché Paul Eremenko, brillant ingénieur de Google, pour anticiper, à la tête du labo A-cubed, les bouleversements de l'industrie aéronautique. Le groupe européen a créé une division spécifique, baptisée Urban Air Mobility, pour imaginer de nouveaux véhicules capables de désengorger le trafic urbain. L'avionneur travaille notamment sur des modèles sans pilote. Principal défi technique: mettre au point un procédé fiable de détection et d'évitement des obstacles. Parmi les modèles en test, le Vahana serait utilisé en ville sur de courtes distances, via un système de réservation par smartphone. Le groupe travaille aussi sur un taxi volant, le CityAirbus. Conçu comme une sorte d'hélicoptère avec pilote, il pourrait s'en affranchir dès lors que la législation permettrait le survol des villes par des drones.

2 Sea Bubble, vol au-dessus de la Seine
Caractéristiques: Véhicule aquatique volant
Siège: Paris
Personne clé: Alain Thébault
Pour soulager les artères encombrées de Paris, la mairie mise sur les voies navigables via un drôle d'engin, le Sea Bubble. Anne Hidalgo s'est démenée pour que la capitale soit la première à adopter ces machines alimentées en énergie solaire qui volent au-dessus de l'eau grâce à un système d'ailerons immergés. Un dispositif qui reprend celui de l'hydroptère, ce voilier qui a battu tous les records de vitesse. Il faut dire qu'à l'origine des deux projets on trouve le même homme, le Breton Alain Thébault, qui a au capital des investisseurs de poids comme Henri Seydoux, le patron de Parrot. Les essais sur la Seine sont prévus pour le mois de juin. Si tout va bien, la maire de Paris pourrait monter à bord pour un trajet inaugural cet été. Reste que l'usage de ces véhicules devra probablement faire l'objet d'une dérogation de la préfecture. Car pour s'élever sur les flots ils doivent atteindre une vitesse comprise entre 11 à 15 km/h. Or sur la Seine, la limite est fixée à 12km/h.

3 Uber, en veille permanente
Caractéristiques: Service de drones-taxis
Siège: San Francisco
Personne clé: Travis Kalanick
Même s'il n'a pas pour ambition de construire son propre modèle de véhicule volant, Uber entend bien se positionner comme un acteur majeur du secteur. Il a ainsi annoncé son intention d'organiser dans la décennie à venir un «grand réseau d'aéronefs à décollage vertical". Pour témoigner de son sérieux, le groupe vient tout juste d'embaucher Mark Moore, un vétéran de la Nasa qui a publié en 2010 un rapport sur la faisabilité de ce type d'appareils. Ces taxis volants devront bénéficier d'une propulsion électrique et pourraient se recharger dans des «vertiports", installés par exemple sur le toit des immeubles. À défaut de devenir constructeur, Uber est en veille auprès de tous les industriels qui se sont lancés dans l'aventure. Le groupe a été jusqu'à publier un rapport sur les coûts d'exploitation de son futur réseau. En rythme de croisière, il évalue à 21 dollars le prix d'une course pour un trajet de 70 km. Imbattable!

4 Zee.Aero, le voisin de Google
Caractéristiques: Véhicule volant à décollage vertical
Siège: Mountain View
Personne clé: Larry Page
Spécialisée dans l'exploration de nouvelles formes de transport «à l'intersection de l'aérodynamique, de la production avancée et de la propulsion électrique», Zee.Aero est installée à quelques encablures du siège de Google à Moutain View. Rien d'étonnant: son principal actionnaire n'est autre que Larry Page, cofondateur du célèbre moteur de recherche. L'homme aurait injecté au capital de cette start-up 100 millions de dollars de sa fortune personnelle. Soucieux de ne pas être identifié, il se faisait appeler GUS (Guy UpStairs) par ses salariés mais a été démasqué l'an dernier par Bloomberg. Créée en 2010, Zee.Aero, avec près de 150 employés, travaille sur un véhicule hybride dont les photos volées laissent apparaître une rangée d'hélices sur le toit permettant un décollage à la verticale. Larry Page aurait également investi depuis plus d'un an dans une autre start-up, Kitty Hawak, chargée de travailler sur un modèle concurrent. 

5 Terrafugia, enfant du MIT
Caractéristiques: Véhicule hybride terre/air à décollage vertical
Siège: Woburn, Massachusetts
Personne clé: Carl Dietrich, PDG
Baptisée TF-X, le modèle développé par la société américaine Terrafugia, fondée en 2006 par des anciens du MIT menés par Carl Dietrich, est un véhicule hybride qui peut rouler sur route et s'élancer dans les airs. L'engin pourra donc assurer des trajets de porte à porte. Aux deux ailes repliables, l'entreprise a ajouté, dans sa dernière version, deux hélices escamotables permettant un décollage vertical. La voiture offre quatre places assises. Ses deux moteurs électriques lui donnent une autonomie de 800 km et lui permettent d'atteindre la vitesse de 320 km/h. Le conducteur-pilote devra entrer sa destination avant le décollage pour que l'ordinateur de bord détermine le plan de vol. Le premier prototype est promis pour 2018. 

6 Aeromobil 3.0, imaginé sur le Danube
Caractéristiques: Véhicule hybride terre/air à décollage horizontal
Siège: Bratislava, République slovaque
Personnes clés: Juraj Vaculik, PDG et Stefan Klein, architecte en chef
Les images publiées il y a deux ans de l'Aeromobil 3.0, abîmé dans un champ, montrent que l'épopée de la voiture volante n'est pas sans risques! Même s'il ressemble davantage à un avion avec des ailes escamotables qu'à une voiture, ce véhicule imaginé par les Slovaques Juraj Vaculik et Stefan Klein, dès leurs années de formation derrière le rideau de fer, peut être utilisé sur route, tout comme le modèle de Terrafugia. Mais à l'inverse de son cousin américain, il n'est pas équipé pour un décollage vertical. Il lui faut une piste d'au moins 200 m pour s'envoler et pour atterrir. Des équipements qui, selon son concepteur, pourraient tout à fait être construits en bordure d'autoroute ou de stations-service. Pour en faire l'acquisition, il faudra tout de même compter «plusieurs» centaines de milliers d'euros, a indiqué son concepteur. Aeromobil travaillerait parallèlement sur une version sans pilote.



Hyperloop tous azimuts


hyperloop concept
Tesla

Pas un mois ne s'écoule sans une annonce autour de l'Hyperloop. Que sait-on de ce moyen de transport futuriste ultra-rapide conceptualisé par Elon Musk, des entreprises impliquées et de leurs avancées à l'approche de l'horizon 2020 (jugé très optimiste) ? On fait le point.
Ces derniers mois, les annonces autour de l’Hyperloop se multiplient aux quatre coins du globe. Chaque entreprise lancée dans la course autour de ce moyen de transport futuriste initié par Elon Musk ne rate pas la moindre occasion de communiquer sur son avancée à grand renfort de superlatifs.
Alors que le déploiement concret de la technologie reste encore soumis à de nombreux obstacles — techniques, pratiques ou encore financiers –, un point de bilan s’impose sur l’émergence encore fragile de l’Hyperloop.

Un moyen de transport ultra-rapide

Concrètement, l’Hyperloop est mode de transport qui permettrait de relier très rapidement des villes éloignées de nombreux kilomètres à bord de capsules lancées à près de 1 200 km/h dans un tube. Celui-ci, surélevé à la surface et non pas sous terre, pourrait notamment être déployé le long des autoroutes.
Les capsules, qu’elles transportent des voyageurs ou des marchandises,  doivent être propulsées par un champ magnétique et se déplacer dans le tube à basse pression sur un coussin d’air plutôt que sur des roues pour mieux supporter les frottements dus à la vitesse.
On en doit le concept original à l’entrepreneur Elon Musk, qui l’évoque pour la première fois en 2012 avant de le détailler un an plus tard dans un document de 57 pages conceptualisé par des ingénieurs de Tesla et de SpaceX. Il envisage alors un Hyperloop qui permettrait de parcourir les 615 kilomètres séparant Los Angeles de San Francisco en seulement 35 minutes — soit moitié moins de temps que les vols actuels et bien plus rapidement que les 6 heures nécessaires en voiture.
Elon Musk offre ainsi son concept publiquement, invitant les entrepreneurs intéressés à le concrétiser, lui qui est déjà pris par ses activités pour Tesla et SpaceX.
Hyperloop
HTT, maquette

Hyperloop Transportation Technologies : la piste européenne

Première entreprise dédiée à la technologie depuis sa création en 2013 — et son financement en crowdfunding –, Hyperloop Transportation Technologies (HTT) compte aujourd’hui plus de 800 salariés.
Dès son lancement, la société américaine de Dirk Ahlborn se fixe un objectif prioritaire : construire l’Hyperloop, sans forcément qu’il voit le jour sur le sol américain. Exit donc le trajet San Francisco-Los Angeles. En 2016, Hyperloop Transportation Technologies a ainsi conclu un accord avec la Slovaquie pour étudier l’installation d’un tube qui relierait sa capitale, Bratislava à Vienne, en Autriche, et à Budapest, en Hongrie. Le coût de ce projet — qui pourrait potentiellement voir transiter 10 millions de passagers annuels — est estimé à 200 ou 300 millions de dollars.
En janvier 2017, l’entreprise a par ailleurs ouvert son centre de recherche européen près de Toulouse. Elle a aussi dévoilé plusieurs caractéristiques de sa future capsule de transport, censée pouvoir accueillir entre 28 et 40 personnes et être achevée en 2018.
L’Hyperloop tel que le conçoit HTT ne dépayserait pas totalement les voyageurs actuels puisqu’il prévoit d’intégrer dans ses capsules différentes classes selon le prix du billet : économique, affaires…

Le plus avancé : Hyperloop One

L’entrepreneur Shervin Pishevar s’est lancé dans l’aventure Hyperloop après avoir reçu la bénédiction de son ami Elon Musk : «  Il m’a dit qu’il n’avait pas le temps de le réaliser lui-même. Donc je lui ai dit : ‘Je le ferai. j’adorerais le faire’. » Pishevar a depuis profité notamment d’une rencontre avec Barack Obama pour lui vanter les mérites de l’Hyperloop, au point de l’inciter à se renseigner sur le sujet le soir même.
En 2014, Shervin Pishevar lance Hyperloop Technologies — depuis renommé Hyperloop One, ce qui permet d’éviter la confusion avec Hyperloop Transportation Technologies — et installe assez vite le campus de la société à Los Angeles grâce à une levée de fonds de plusieurs millions de dollars.
En mai 2016, Hyperloop One réalise le premier test mondial de l’Hyperloop — en plein air, hors d’un tube — sur son site d’essai installé au Nevada, en accélérant jusqu’à 187 km/h en 1,9 seconde.
Depuis, la société — qui est présidée par Rob Lloyd — a conclu un accord avec la Russie pour la potentielle installation d’un Hyperloop à Moscou, et aux Émirats arabes unis pour éventuellement relier Dubai et Abu Dhabi en 12 minutes.
Hyperloop One organise aussi une compétition, le Global Challenge, qui permet à différents candidats venus du monde entier de faire connaitre leur projet et potentiellement de le concrétiser en cas de victoire.
transpod hyperloop
TransPod

Le Canada représenté par TransPod

La startup canadienne TransPod se consacre quant à elle au développement des capsules Hyperloop depuis son lancement en 2016.
L’équipe planche notamment sur un système de commande informatisé et une alimentation à l’énergie solaire. TransPod veut développer un appareil commercialisable dès 2020 et envisage de créer une ligne Toronto-Montréal.

SpaceX, une contribution limitée

Si l’entreprise d’Elon Musk dédiée à l’exploration spatiale se refuse à développer son propre Hyperloop, elle entend tout de même contribuer au développement de la technologie grâce à certaines initiatives.
C’est dans cet esprit qu’elle a organisé le concours de l’Hyperloop Pod en 2016 : plusieurs ingénieurs ont pu y tester leur capsule sur une piste d’essai d’un 1,6 km installée par SpaceX près de son quartier d’Hawthorne, en Californie. L’expérience, concluante, a été renouvelée en janvier 2017.

L’horizon 2020, un objectif trop ambitieux ?

La question du calendrier reste l’élément le plus problématique autour de l’Hyperloop. Si la plupart des projets visent l’horizon 2020-2021 pour leur déploiement commercial, cette date semble difficilement tenable.
Surtout au vu de l’avancée technique encore limitée des différentes entreprises : aucune démonstration réussie n’a encore eu lieu sur une distance mesurable en kilomètres et pas en simples mètres. D’autres obstacles se dressent encore sur la route de l’Hyperloop, à commencer par le temps de construction, qui se compte en années,  et les démarches administratives nécessaires au sein de chaque pays pour faire accepter la technologie.
L’Hyperloop semble difficilement pouvoir franchir tous les obstacles actuels en seulement 3 ou 4 ans, contrairement aux prévisions des différentes entreprises qui ont logiquement tout intérêt à faire preuve d’optimisme pour attirer les investisseurs.
Si Shervin Pishevar déclarait encore récemment que l’Hyperloop serait disponible d’ici 2020, on attend toujours le premier essai en conditions réelles de son tube, annoncé pour «  début 2017 » en octobre dernier.

Paris-Amsterdam, Corse-Sardaigne…

Si la technologie attend encore d’être concrétisée, ce nouveau moyen de transport suscite en tout cas des idées aussi ambitieuses que prometteuses.
On peut ainsi citer, entre autres, le projet — demi-finaliste au concours Hyperloop One Global Challenge — de liaison entre la Corse et la Sardaigne pour en faire une « super-île ». Ou encore celui de relier les capitales de l’Estonie (Tallinn) et de la Finlande (Helsinki) en 8 minutes.
Enfin, la société néerlandaise Hardt Global Mobility aimerait relier Paris et Amsterdam en 30 minutes malgré les plus de 500 km qui les séparent. Un coup de comm’ ambitieux.

mardi 1 août 2017

Thierry Bardy - Ne pas confondre Cotraitance et Open innovation

Thierry Bardy
A l'heure où la notion d'open innovation n'a quasi plus aucun sens, tant elle est utilisée pour tout et n'importe quoi. La chercheuse
Sandrine Fernez-Walch introduit la notion de "Cotraitance". Son analyse est pertinente et surtout issue de réflexions pragmatiques, empreintes de constats du monde de l'entreprise. Bref, bien loin des "tartes à la crème partenariaux" que sont les écosystèmes de start up, les incubateurs, accélérateurs ou encore les pôles de compétitivité. 

Cotraitance de l'innovation : de quoi s'agit-il ? La cotraitance de l'innovation consiste, pour un donneur d'ordre (constructeur automobile ou avionneur par exemple), à faire participer ses fournisseurs à la conduite des projets d'innovation en les considérant comme de véritables partenaires à la fois dans les étapes aval (réalisation du projet) et dans les étapes amont (étapes appelées par certains « avant-projet », par d'autres « exploration »).


Elle diffère de l'externalisation de la conception technique qui vise à faire concevoir (et pas obligatoirement fabriquer) par une entreprise extérieure, sur la base d'un cahier des charges, un prototype, un composant ou un sous-système d'un produit nouveau. Selon le type de cahier des charges, le fournisseur peut être qualifié de sous-traitant, de co-traitant, voire de façonnier (sous-traitance de la R&D dans un pays à main d'œuvre moins coûteuse).
Le concepteur n'est donc pas forcément associé à l'ensemble du déroulement du projet d'innovation. Dans la cotraitance de l'innovation, il participe à l'étape amont, pendant laquelle le projet d'innovation est défini. Surtout, la cotraitance de l'innovation ne concerne pas uniquement la recherche et développement. Les fournisseurs sont également impliqués dans l'élaboration du marketing mix et du modèle économique du produit. Ils contribuent donc bien plus au succès (ou là l'échec !) du projet d'innovation et ne sont pas seulement partie prenante aux risques technologiques du projet d'innovation.
Les chercheurs du CRG utilisent le terme co-innovation. C'est sans doute par opposition au mode traditionnel de coopération verticale entre constructeurs et fournisseurs d'une chaîne de valeur, d'une filière : le codéveloppement. Maniak (2009), dans sa thèse, présente la co-innovation comme un mode d'organisation substitutif du codéveloppement et en propose une modélisation très détaillée. Le problème est que, dans un contexte d'innovation ouverte, ce terme peut très bien désigner d'autres formes d'innovation coopérative que les coopérations verticales : coopération entre deux compétiteurs, par exemple. Le terme « cotraitance de l'innovation » nous paraît donc préférable.

Les problèmes créés par la cotraitance de l'innovation

Le mode relationnel entre constructeurs et fournisseurs pendant le déroulement des projets d'innovation est un sujet stratégique car il est un élément de structuration du tissu économique et social français, voire européen : les secteurs d'activité de l'automobile et de l'aéronautique, deux secteurs majeurs pour le développement de notre pays, sont tous deux concernés par cette problématique ; de nombreuses petites et moyennes entreprises françaises potentiellement créatrices d'emploi sont impliquées. Nous résumons ici les propos du journaliste Alain Roux concernant les problèmes créés par la mise en œuvre de pratiques de cotraitance de l'innovation.
- Les sous-traitants de rang 1 deviennent responsables de la conception d'un système de l'avion, le donneur d'ordre intégrant, en aval du projet d'innovation, les différents systèmes. Les sous-traitants de rang 2 deviennent des concepteurs de composants pour les sous-traitants de rang 1. Or ceux-ci tendent à adopter une logique de rationalisation des coûts, ce qui limite la créativité du sous-traitant de rang 2 et donc la novation technique, au grand dam du donneur d'ordre qui, lui, souhaiterait de l'anticipation de la part de ses fournisseurs.
- Le service achat du donneur d'ordre n'étant pas suffisamment intégré aux processus d'innovation, il fait souvent figure de cost-killer auprès des sous-traitants.
- Se posent des problèmes de protection des compétences des sous-traitants : non respect de la confidentialité, contrats de confidentialité mal bouclés.
- Les PME françaises ont des capacités à innover moindres par manque d'anticipation et du fait d'investissements en machines pour la production plutôt que dans des ressources humaines (donc des expertises).

De la nécessité de faire évoluer les pratiques de management de l'innovation

Alain Roux suggère que les fournisseurs d'éléments d'un avion ou d'un véhicule automobile doivent faire évoluer non seulement leur mode d'organisation mais leur métier s'ils veulent rester dans la course. Il confirme ce que nous avions déjà pressenti en travaillant avec des responsables de R&D et d'innovation d'entreprises du secteur aéronautique.
Les fournisseurs de systèmes et de sous-systèmes doivent être capables de rédiger des cahiers des charges fonctionnels, de proposer à leurs clients (avionneurs), en amont des appels d'offre, des technologies innovantes sous la forme de démonstrateurs et de prototypes, de se coordonner entre eux. Ils financent eux-mêmes le développement technologique et le développement de systèmes. En bref, ils assument le rôle de maître d'ouvrage et, donc, une grande partie des risques liés à l'innovation !
On imagine que les entreprises qui ne sont pas à même de jouer ce rôle seront évincées du rang 1. Les sous-traitants de rang 2 ne réalisent plus seulement des composants pour le compte des systémiers de rang 1. Ils en assurent de plus en plus la conception et endossent un rôle de maîtrise d'œuvre, voire de maîtrise d'ouvrage déléguée pour le composan. Face à ces nouveaux enjeux, Alain Roux conclut sur la nécessité de « trouver un compromis entre la mise en concurrence des fournisseurs et un nécessaire partenariat et cite des dispositifs visant à aider les petites et moyennes entreprises dans cette mutation profonde : création d'une plate-forme d'innovation européenne sur le management de la relation collaborative clients/fournisseurs à l'initiative de Jean Breton, directeur associé de Thésame (voir l'article de Jean Breton et François Romon sur l'Espace Club du Site MI) ; charte des bonnes pratiques entre donneurs d'ordre et PME, signée le 11 février 2010 à Bercy ; pôles de compétitivité, projets de l'ANR, futurs instituts de recherche technologique, etc.
La transformation du métier des cotraitants de l'innovation passe donc nécessairement par l'amélioration des pratiques de management de l'innovation. C'est dans cet esprit que nous avons co-construit, dans le cadre d'un partenariat de recherche, avec des responsables de R&D et d'innovation du systémier d'air Liebherr Aerospace Toulouse, un modèle de management multi-projets.


Sandrine Fernez-Walch Maître de Conférences habilitée à diriger des recherches en sciences de gestion Responsable du Master 1 Gestion de l'Entreprise Sociale et de Santé. (Site MI http://innovationmanagement.fr/

Références bibliographiques
- Maniak R. (2009), Les processus de co-innovation : caractérisation, évaluation et management. Le cas de l'industrie automobile. Thèse en gestion, Ecole Polytechnique, Paris.
- Midler C., Maniak R., Beaume R., 2007, Du co-développement à la co-innovation. Analyse empirique des coopérations verticales en conception innovante. 15 th GERPISA International Colloquium, Ministère de la Recherche, Paris.
- Roux A. (2010). R&D- Vers la cotraitance. De la délicate gestion de l'innovation externalisée. Le nouvel Economiste.fr, publié le 16 février  2011, disponible sur http://www.lenouveleconomiste.fr/vers-la-cotraitance-8554/