jeudi 28 mai 2015

Thierry Bardy - Vincent Musk et Elon Bolloré, et vice versa

Vincent Musk et Elon Bolloré, et vice versa

V.Bolloré et E.Musk, Bluecar et Tesla Motor, Usines de Batterie LMP et GigaFactory, Bluezone et SolarCity , Réseau Public et SuperCharger, le parallèle entre ces 2 entrepreneurs est évident.

Les deux pensent à long terme, pensent systèmes, pensent flux de matière et de produits, modulent ouverture -partenariat et fermeture, utilisent le numérique pour assurer un service de mobilité pour l'un et réinventer la maintenance d'un véhicule pour l'autre, agissent à l'échelle mondiale à la fois dans le domaine de l'énergie, des transports et de l'habitat. Les deux font levier des programmes d'aides publiques pour prendre des positions stratégiques (lire Zero To One sur ce sujet).
La question n'est plus "comment vendre des VE" ? Mais plutôt comment faire utiliser des VE, maîtriser un flux de batterie et les multiples usages connexes et capter une partie de l'espace public pour installer des points de charge ? Par des approches et dans des contextes différents, Bolloré et Musk sont les seuls à être sur le point d'industrialiser simultanément tous les modules et les liens les reliant :
  • des usines de production de batterie en maîtrisant la chaîne depuis l'origine des matériaux (Usines de Batterie LMP et GigaFactory),
  • le circuit intégral des batteries : d'abord dans des véhicules (Bluecar et Tesla Motor) , puis des utilisations stationnaires (Bluezone et SolarCity), (puis plus tard la réutilisation et le recyclage),
  • des offres de véhicules électriques ou de mobilité intégrant des véhicules et des bus électriques,
  • des stations de recharges des véhicules.
Blue
Dans ces systèmes, le véhicule (hors batterie) est-il un produit ou un co-produit ? Qui pilote la valeur : la mobilité ou l'énergie ? Ces questions sont celles d'un monde cloisonné. Elles freinent. Ces deux entrepreneurs mettent en oeuvre des dispositifs complets et verticaux sur un composant (stratégique) puis tissent des applications horizontales très étendues à la fois au niveau géographique (Bolloré va chercher des marchés en Afrique pour les applications stationnaires et des usages de mobilité en Europe et USA), et au niveau industriel (un service de mobilité d'Autopartage s'appuyant sur le numérique est assez éloigné d'un process industriel de production de batterie).


Bluemonde
Musk va plus loin en mettant en oeuvre quasiment dès le départ des "Giga Volumes" pour baisser les coûts. Les 2 approches de mobilité sont opposées : le premium et le serviciel, mais elles se rejoignent sur les moyens, les processus et la philosophie utilisés, et se complètent sur les usages. L'approche servicielle rejoint les projections 2030-2050 de l'ADEME car elle porte en elle de grands potentiels d'efficacité énergétique. C'était les 2 voies identifiées en 2008 et rédigé en 2009 dans la première MétaNote N°0 - l'origine : le véhicule vêtement de luxe et la 3ème voie entre le VP et le TC.
"Ces véhicules pourront avoir des efficacités énergétiques bien supérieures (faible masse, faible vitesse maximale, gestion optimisée du trafic et de la conduite…), utiliser des filières énergétiques différentes, électriques ou thermiques, gérées par des professionnels. Comme IBM a été supplanté par Microsoft, lui-même par Google, l’évolution de la mobilité pourrait ainsi passer de l’objet automobile au service. De nombreuses innovations non techniques seront également nécessaires au niveau des modes de commercialisation et de distribution. Ces objets dont la principale valeur ajoutée ne viendra pas forcément du cœur de métier d’un constructeur automobile (électronique, télécommunication, stockage chimique…) pourraient conduire alors à une inversion des rôles : des voitures Hitachi, NEC ou Sanyo, puisque la marque devient secondaire. On ne vendra pas en effet des kilomètres par mois (service) comme on vend aujourd’hui une tonne de métal et de plastique (objet automobile)."

Pourquoi la batterie PowerWall de Tesla est vraiment disruptive








Elon Musk (Crédits : OnInnovation, licence Creative Commons)
Elon Musk (Crédits : OnInnovation, licence Creative Commons)

Nous vivons une époque formidable et sommes à l’aube d’une nouvelle révolution scientifique et technologique. De nombreuses ruptures sont en marche. Le meilleur exemple est l’annonce de PowerWall, la batterie de Tesla. Cette annonce devrait terrifier EDF.
PowerWall est une batterie Li-On qui est reliée aux panneaux solaires. Elle accumule donc de l’énergie pendant la journée (faible utilisation d’énergie) et la dispense le soir et le matin (pic d’utilisation).
Une batterie… rien de bien neuf dira-t-on. Mais la batterie de Tesla, contrairement aux batteries actuelles, est simple à mettre en œuvre et à utiliser (aucune maintenance). Et, ce qui ne gâte rien, elle est belle. Au lieu de la mettre à la cave, on la mettra dans le vestibule. Comme Nespresso a permis à la machine à café de quitter la cuisine pour entrer dans le salon. Une fois de plus, la vraie rupture ne réside pas dans une performance technique pure, mais dans une combinaison de performance technique suffisante et de simplicité d’utilisation. La batterie de Tesla, comme la Ford T avant elle, c’est mettre une technologie existante, déjà utilisée par quelques experts, au service du plus grand nombre.
La vraie rupture c’est la démocratisation.
Tesla n’est pas la première entreprise à faire des batteries. Elle n’est pas la première entreprise à tirer avantage des panneaux solaires. Il y a sûrement des solutions techniques supérieures. Mais elle est la première à rendre cela simple, évident. Notamment parce qu’elle est liée à la société SolarCity, qui installe des panneaux solaires chez les particuliers et qui connaît un succès croissant. Ainsi, elle combine les deux éléments cruciaux de la solution technique pour la rendre simple. C’est exactement la même force que l’iPhone : ce n’était pas le premier smartphone, ni même le plus sophistiqué (les smartphones Nokia étaient beaucoup plus avancés). Mais il avait ce côté évident, tout intégré, « cette fois c’est pour moi » qui faisait son caractère disruptif.
Avec la batterie de Tesla, EDF a enfin un véritable concurrent, qui menace son existence même. Si chacun est capable de produire son électricité de manière simple, l’entreprise n’a plus aucune raison d’exister. C’était vrai en théorie depuis longtemps, cela devient vrai en pratique.
Et ce ne sont pas les investissements d’EDF dans le solaire qui y changeront quoi que ce soit. N’oublions pas que Kodak a aussi beaucoup investi dans le numérique, c’en était même un des pionniers. Cela n’a pas empêché l’entreprise de péricliter au final. La raison ? L’échec face à une rupture n’est pas une question d’investissement, les entreprises leader ignorent rarement les technologies de rupture, elles en sont même souvent à l’origine (c’est Kodak qui a inventé le premier appareil photo numérique et l’industrie horlogère suisse qui a mis au point la technologie quartz qui l’a quasi-détruite).
L’échec face à une rupture est une question de conflit de modèle d’affaire.
EDF ne lancera jamais une batterie comme celle de Tesla car celle-ci remet en question la nécessité de son réseau de centrales de production d’électricité, c’est à dire l’identité même d’EDF. Cela reviendrait à se suicider. De même que Kodak, malgré ses centaines de millions d’investissement dans le numérique, n’a jamais -vraiment- remis en cause son cœur de métier, la pellicule argentique. Elle a promu le numérique à moitié, sans y mettre vraiment tout son cœur et toute son énergie, en continuant de privilégier son cœur historique. Et quand elle a fini par se décider à abandonner ce cœur, vers 2005, il était trop tard.
elon musk présente powerwall - capture écran cc teslamotors
Elon Musk présente Powerwall – capture écran (c) Teslamotors


Encore une fois, les leaders n’ignorent pas la rupture, ils l’acceptent, lancent des produits mais préservent toujours leur cœur historique et compromettent donc la réussite de leurs efforts dans la rupture. Les acteurs en place font ainsi face au fameux dilemme de l’innovateur mis en lumière par le chercheur Clayton Christensen : s’ils embrassent la rupture, ils tuent leur cœur historique. S’ils ne l’embrassent pas pour préserver ce cœur, ils ratent l’opportunité de rupture. Si le cœur historique est en bonne santé, c’est souvent la seconde option qui est choisie (par défaut, par manque d’investissement, jamais explicitement). En résumé, on investit dans la rupture (donc on pense qu’on mise sur l’avenir et qu’on est dans la course) mais en continuant de favoriser de facto le cœur historique.
La batterie de Tesla est donc une vraie rupture qui menace toutes les entreprises de production d’électricité parce qu’en pratique, ces dernières sont incapables d’y répondre. Il est piquant de voir que cette rupture provient d’un… fabricant de voiture, et que ce fabricant de voiture a à peine plus de dix ans. Quelle époque passionnante !



Elon Musk veut accélérer le temps pour ses cybercars

La voiture autonome, la Chimère , incarne la finalité de la transition numérique dans le domaine automobile. En supprimant le lien entre l'homme et la machine, la chimère n'est plus une voiture, sauf pour quelques constructeurs Premium, mais à la fois, un taxi, un bus, une voiture partagée. Le mot "voiture" devant autonome verrouille nos imaginaires.
Pour les acteurs de la filière, la chimère ne sera pas là avant plusieurs dizaines d'années et de nombreux verrous réglementaires existent . Nous en sommes à la phase 2 sur 5 des phases du déni récemment décrits par Nicolas Colin :
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Dans un échange entre Bill Gates et Elon Musk, ce dernier évoque une piste pour amener des véhicules sans conducteur sur les routes (allez à 48min56s). Les verrous ne sont pas techniques, et 5 ans séparent Tesla d'une version techniquement validée. Par contre, les autorisations réglementaires vont nécessiter plus de temps et Elon Musk propose dès maintenant d'équiper les voitures qui circulent d'intelligence artificielle.
Son objectif est simple, accélérer le temps...
I.A. embarquée
Un logiciel relié aux capteurs et données du véhicule va en permanence comparer le réel, c'est à dire le comportement du véhicule obtenu à partir des décisions du conducteur, et le simulé (on peut ici parler de virtuel).
Le simulé correspond à ce qu'aurait fait un cybercar dans les mêmes conditions. Des logiciels embarqués calculent en temps réel le comportement du véhicule dans les mêmes conditions en intégrant non pas les décisions du conducteur mais les décisions algorithmiques qui auraient été prises (par le futur cybercar). En analysant les écarts entre le réel et le simulé, il devient possible de quantifier et qualifier. Multiplier ça par plusieurs milliers ou millions de véhicules pendant plusieurs jours, mois, années et vous obtenez une estimation puissante et robuste des risques et bénéfices. Ces validations simulées des risques seront essentielles dans les processus de décision.

Appelons cela l'auto-simulation de l'autonomisation
Plusieurs constructeurs m'ont déjà soufflé à l'oreille que Tesla était en avance sur le sujet de la maintenance prédictive en analysant les données d'usage des composants à distance. Tesla a été également le premier constructeur à mettre en œuvre, comme pour une application, la mise à jour à distance des logiciels embarqués. Supposons que Tesla mette en oeuvre sur ces prochains modèles les capteurs et logiciels nécessaires pour créer cette intelligence artificielle et ainsi auto-simuler la chimère. Les mises à jour des logiciels étant également possibles, Tesla crée les conditions d'émergence de la voiture autonome.
Et si Waze, présent bientôt dans tous les objets Android, ou encore l'Open Automotive Alliance étaient également pensés pour auto-simuler la chimère selon les capteurs présents dans le véhicule. Ces auto-simulations embarquées du futur donneront également des informations majeures au conducteur : "Si vous aviez eu un conducteur automatique, vous auriez :
  • consommé 10% de moins,
  • gagné 30 minutes et évité de perdre 3 points sur votre permis
  • évité cet accident ou évité de casser votre phare en vous garant"
L'auto-simulation embarquée d'une technologie qui n'existe pas, cherche dans les résultats de l'auto-simulation à prouver à tous les acteurs sa pertinence future. Du point de vue philosophique, cette auto-simulation embarquée du futur est particulièrement intéressante et rejoint les travaux de Jean-pierre Dupuy sur le catastrophisme éclairé.
De l'auto-simulation à l'auto-transcendance
Ces concepts sont largement développés par l'auteur dans plusieurs ouvrages dont l'avenir de l'économie, la Marque du Sacré, Petite métaphysique des tsunamis. Le présent permettant maintenant de simuler le futur, l'auto-transcendance peut s'activer et déclencher les actions qui engendreront sa propre réalisation.
Cet avenir, nous le construisons précisément par des actions engagées sur la base d’un avenir que nous croyons possible mais qui résultera des actions engagées. « Cette boucle causale traduit que la connaissance humaine, y compris celle qui porte sur l’avenir, est indissociable de l’action ». « La description de l’avenir est un déterminant de l’avenir ». La façon dont nous décrivons les possibles, dont ils sont compris par les citoyens, provoquera ou pas des réactions qui causeront l’avenir ainsi décrit.
Elon Musk pourrait ainsi accélérer le temps en apportant d'ici quelques années un corpus de preuves qualifiées et quantifiées justifiant le passage à l'automatisation de nos véhicules. Certains acteurs y ont intérêt, nombreux sont ceux qui seront bouleversés. Et même si il y aura toujours besoin de constructeur d'objet véhicule (phase 5 du déni), les futurs opérateurs de mobilités basés sur des chimères n'auront qu'un objectif : nouer de nouvelles relations avec la multitude.

jeudi 7 mai 2015

Thierry Bardy - leçon d'innovation du XVI ème siécle














Avec les technologies de l’information, la production peut être beaucoup plus automatisée. La moitié des emplois pourrait être en jeu.
Un choc colossal ! Trois scénarios seraient alors possibles.
Pour l’instant, rien n’est joué.

La scène se passe en 1589. L’inventeur anglais William Lee montre à la reine Elisabeth sa machine à tricoter les bas. Mais la souveraine ne goûte guère les gains de productivité : « Considérez ce que l’invention pourrait faire à mes pauvres sujets. Elle les mènerait assurément à la ruine en les privant d’emploi. »
Pas question d’autoriser un tel engin ! Malgré l’interdit royal et l’hostilité de la guilde des bonnetiers, Lee continue de travailler sur sa machine. Son associé est arrêté et exécuté pour trahison. Lee fuit en France, où il est accueilli à bras ouverts par Henri IV. Mais le roi est bientôt assassiné, et son successeur se montre beaucoup moins favorable à l’innovation…
Quatre siècles plus tard, les gouvernants risquent d’être confrontés à la même question. Des innovateurs fabriquent des voitures qui roulent toutes seules, des robots à tout faire, bientôt des médecins numériques. Et les gouvernants seront tentés de les empêcher au nom de l’emploi.

« Chômage technologique »

La question n’est donc pas nouvelle. De William Lee jusqu’à nos jours, en passant par les luddites qui détruisirent des métiers à tisser au début du XIXe siècle et le « chômage technologique » théorisé par Keynes en 1930, l’émergence de nouvelles machines a suscité enthousiasme et inquiétude. L’efficacité contre l’emploi ! Jusqu’à présent, les enthousiastes ont eu raison. Les nuées de miséreux promises par les prophètes de malheur se sont dissoutes dans la création de nouveaux emplois. Mais, cette fois-ci, l’inquiétude revient avec une vigueur nouvelle. Car les nouveaux outils sont incroyablement efficaces. Les machines de la première révolution industrielle savaient seulement faire des tâches simples : tisser une toile, couler de l’acier. Celles de la seconde révolution industrielle pouvaient aider à réaliser des tâches complexes comme le montage d’une automobile, mais de manière répétitive. Les machines actuelles savent au contraire effectuer des tâches non routinières, avec des ordinateurs de plus en plus puissants et de moins en moins chers, des capteurs de plus en plus précis, des informations de plus en plus fluides. Elles peuvent apprendre par elles-mêmes (« machine learning »), accomplir des tâches intellectuelles. Les robots deviennent mobiles. 
L’automatisation ne concerne plus seulement quelques métiers mais des centaines.
Une étude publiée il y a dix-huit mois a cristallisé cette inquiétude. Deux chercheurs de l’université britannique d’Oxford, Carl Frey et Michael Osborne, ont évalué la probabilité de « computérisation » (automatisation d’un emploi avec des équipements pilotés par ordinateur) de 700 professions aux Etats-Unis. Leur conclusion ? « 47 % des emplois américains sont en risque. » Un emploi sur deux pourrait être automatisé d’ici à une ou deux décennies ! Des experts du cabinet de conseil Roland Berger ont appliqué cette grille d’analyse à la France. Ils parviennent au chiffre de 42 % et évoquent la destruction de 3 millions d’emplois dans les dix prochaines années.

Trois futurs possibles

Une innovation a donné corps à ces anticipations affolantes : la Google Car. La voiture qui se conduit toute seule est d’abord apparue comme une prouesse technique. Mais des économistes ont vite fait remarquer que le métier de chauffeur était le plus répandu aux Etats-Unis (4 millions d’actifs pour poids lourds, cars, bus et taxis). L’opérateur de voitures avec chauffeur Uber a fait savoir son intérêt pour des voitures… sans chauffeur. Un jeune prospectiviste, Zack Kanter, a imaginé un avenir où les voitures autonomes remplacent les autres. Plus personne n’aurait alors son auto, car il serait beaucoup moins cher d’en louer. L’industrie automobile s’effondrerait, et avec elle celle de l’assurance, des parkings, etc. Des foules d’emplois sont bel et bien en jeu.
Face à ces perspectives, il y a trois avenirs possibles. Le premier est… la lenteur. Il y aurait bien automatisation, mais en une ou deux générations. Une recherche réalisée par Georg Graetz, de l’université suédoise d’Upsal, et Guy Michaels, de la London School of Economics, tempère l’inquiétude. Examinant ce qui s’est passé dans dix-sept pays en quinze ans, elle montre que la robotisation a fait gagner près d’un demi-point de croissance par an sans nuire à l’emploi.
Le deuxième avenir possible est la création de nouveaux emplois. On connaît les postes d’hier, pas ceux de demain. En France, sur un siècle, l’emploi a été divisé par dix dans l’agriculture avec la mécanisation, mais il a doublé dans l’industrie et les services. Dans l’« économie du quaternaire » décrite par l’économiste Michèle Debonneuil ou l’«  iconomie  » explorée par son collègue Michel Volle, le travail se réorganise complètement autour non des produits et des services, mais des « solutions ». Et sans doute sous d’autres formes que le salariat.
Le troisième avenir paraît plus sombre : la destruction d’emplois n’est pas compensée, ou pas assez vite. Le chômage explose. Facile ici d’imaginer le chaos social. L’économiste Jeffrey Sachs, de l’université Columbia, conclut ainsi un récent article académique publié avec trois autres chercheurs : « Les machines intelligentes pourraient n’apporter à long terme que misère pour tous », sauf à supposer « une politique budgétaire appropriée qui redistribue des gagnants aux perdants. » L’Etat serait alors appelé à la rescousse, comme le fut jadis la reine Elisabeth. Il pourrait ralentir le mouvement, en interdisant par exemple les véhicules sans conducteur ou en ne remboursant pas les radios analysées sans médecin. Ou partager le travail. Ou instaurer un revenu minimal pour tous, idée remise au goût du jour par des libéraux comme Gaspard Koenig . Ou prendre de l’argent aux machines (et donc à leurs détenteurs) pour le donner aux hommes. En accentuant la priorité au capital, le capitalisme déboucherait alors sur une nouvelle forme de communisme.