vendredi 26 décembre 2014

Thierry Bardy - "Nous créons un club "Open prospective", le serious game sera notre méthode d'animation"


Thierry Bardy - tags : prospective, serious game , Blue Orange, @venir 2030

Retour sur le kick off  du club "open prospective" qui s'est déroulé le 18 décembre 2014 à l'Intertace des Orange labs.
la Sérendipite ou plus exactement le concept de "pivot" se révèle de plus en vertueux dans les méthodes d'innovation mises en place dans les entreprises innovantes.
L'expérience actuelle du projet @venir 2030 au sein de la division IMT Innovation Marketing Technologie d'Orange en est encore un bon exemple.

Retour sur la Genèse du projet @venir 2030 :
Nous sommes en février 2014, lorsqu'une petite équipe pluridisciplinaire est constituée au sein de la division IMT ( Innovation Marketing Technologie) d'Orange.
Nom de code du projet: Blue Orange.
Au départ, l'objectif de la démarche était de réfléchir à ce que pourrait être le monde, notre vie en 2030.
L'équipe projet se réunit régulièrement, elle identifie 12 lignes dites de ruptures et pas moins d'une soixantaine de "leviers de transformation" pour notre vie en 2030
Documents papiers , vidéo sont stockés dans un sharepoint.
La matière est importante et l'équipe s'interroge pour savoir comment l'exploiter et la rendre intelligible voire ludique à un plus grand nombre .
C'est à ce stade qu'un pivotement naturel est intervenu; "Nous étions partis d'un azimut 0 ou d'un travail de prospective relativement classique, nous sommes aujourd'hui arrivés à un azimut 180°, et le concept de boîte de jeu prospectif est apparu naturel. Les tendances fortes de la gamification et des serious game nous ont poussé, sans nous en rendre compte, dans cet univers du jeu.
Ce Serious game se veut évolutif , la matière que nous mettons à disposition des joueurs sera constamment revue et corrigée par l'équipe projet.
Il sera aussi totalement "open" car nous souhaitons constituer un panel de prospectivistes  d'entreprises partenaires (si le terme prospectiviste à encore un sens !!!) , ces derniers  viendront régulièrement co-conceptualiser le monde de 2030 avec nous.
Un "open cross meeting" sur un thème choisi de nos réflexions sera organisé chaque mois et sera streamé sur les réseaux sociaux. Le premier worshop sera consacré à l'holacratie, ou les méthodes de management ou du travail de demain.
A partir, des outils de la boîte du jeu, les participants devront  se transformer en journaliste et rédiger des articles de presse, des unes,  et faire jouer leurs créativité et leur capacités à se projeter en 2030.
La démarche est originale et ne peut que s'avérer productrice de valeur et de richesse pour Orange mais aussi pour tous les entreprises du club open prospective qui rejoindront l'initiative.
Vous êtes "prospectivistes", venez nous rejoindre pour construire ensemble
le club open prospective @venir 2030
Après l'ère de l'open innovation , Orange crée l'ère de l'open prospective.
Thierry  Bardy

Pour venir nous rejoindre ou obtenir davantage de renseignements , n'hésitez pas à me joindre 
thierry.bardy@orange.com

Exemple d'article de presse rédigé en 1H à 4 personnes avec les contraintes ( tirées au sort) et les ressources du Serious game @venir 2030 ; aucune correction réalisée au texte live 


La guerre des algorithmes est déclarée
Lors d’une conférence de presse, l’algorithme du FMI  s’est scandalisé à la suite de l’annonce de l’algorithme de l’ONU d’intégrer la mesure du bonheur dans son Indice d’intervention humanitaire. Les désaccords au sein de l’Organisation mondiale des algorithmes apparaissent de plus en plus évidents. Les humains s’inquiètent de la discorde entre les calculateurs.
Depuis que les algorithmes ont remplacé les hommes politiques au sein des grandes organisations internationales, les grandes institutions sont des machines scientifiques et positives qui prennent des décisions à partir d’une analyse objective des données. Depuis que les algorithmes ont remplacé les humains, on a constaté des effets très vertueux : la disparition de la corruption, les effets délétères du lobbying, les caprices des dirigeants. Désormais, la transparence s’est installée dans les justifications des grandes Organisations Mondiale des Algorithmes.
L’algorithme de l’ONU a présenté ces derniers résultats en intégrant des données relatives aux perceptions du bonheur.
Les statisticiens du FMI considèrent qu’il n’y a pas de corrélation entre le bonheur et le remboursement des prêts
Menaces sur les calculs
Selon les informations de l’algorithme de supervision de notre journal, une officine de hackers financée par Danone a dérobé et déformé l’ensemble du fichier des tests sanitaires réalisés par  l’OMS afin de laisser croire que les produits de Nestlé sont cancérigènes. Les hackers sont parvenus à s’infiltrer dans les données de quantified self adressées par les patients à l’OMS. Informé de la situation, l’avocat numérique de Nestlé a aussitôt saisi la Cour de justice numérique internationale. Une manifestation numérique des usagers est prévue. Les manifestants vont déposer leur feedbeat dans la nacelle dans une grande roue de foire foraine pour envoyer de fausses informations à la sécurité sociale.



vendredi 12 décembre 2014

Thierry Bardy- ‘nexus des forces’ ou les technologies stratégiques selon Gartner

Thierry Bardy -tags ; Gartner,tendances, technologies stratégiques , prospectives, futur.

Thierry Bardy Adetem /Marketing

 

 

 

 

 

 

 

 

Les 10 technologies stratégiques  annoncées par Gartner au début 2014, ont- elles été tendancielles (examen  11 mois après...)

L’informatique devient source d’informations, sociale, mobile et en nuage. Cette convergence va provoquer des mutations professionnelles. Elle suscite déjà une demande accrue en infrastructures programmables, à l’échelle du web.

 Les réseaux sociaux, l’informatique mobile, le Cloud et la transformation de données en informations forment le nouveau moteur de l’IT. David Cearley, vice-president du Gartner, désigne ces convergences par le ‘nexus des forces’, un phénomène révélant dix technologies stratégiques pour la plupart des entreprises en 2014.
Qu’est-ce qu’une technologie stratégique ? Selon le cabinet d’études, elle doit présenter un impact significatif sur l’entreprise dans les trois années à venir. Il peut s’agir de nouveaux concepts ou systèmes transformant ses plans, programmes et initiatives à long terme ou bien apportant une perturbation potentielle sur son marché ou encore un atout commercial pour ses premiers utilisateurs.

1 Le suivi de nombreux terminaux mobiles

Deux à trois fois plus de collaborateurs mobiles accèderont au système d’informations de l’entreprise. C’est une conséquence inattendue des programmes BYOD où l’utilisateur apporte son propre équipement informatique. Cette situation impose aux services informatiques et financiers une contrainte considérable. La politique en matière de ressources matérielles appartenant aux collaborateurs doit faire l’objet d’une révision en profondeur. La plupart des sociétés ne prennent en compte que les salariés qui accèdent à leur réseau au moyen de terminaux acquis et gérés par l’entreprise. Il est nécessaire d’élaborer des règles définissant clairement les attentes, ce que chacun peut et ne peut pas faire sur le système d’informations, tout en conciliant souplesse et exigences face à la confidentialité et à la protection des données personnelles.

2 Les apps mobiles en priorité

En 2014, le principal environnement de développement d’applications d’entreprise sera le navigateur Web, grâce aux performances améliorées des langages HTML5 et JavaScript. Le cabinet Gartner recommande aux développeurs de se focaliser sur la création de modèles d’interface utilisateur étendus, comportant les données vocales et vidéo. Plus compacts et plus ciblés, les services applicatifs (ou apps) vont se développer tandis que les applications mobiles commenceront à décliner. Les programmeurs chercheront à intégrer des apps pour former des solutions. La construction d’interfaces d’application utilisateur couvrant toute une gamme de terminaux nécessite une compréhension des blocs de construction. Le marché des outils de création d’apps grand public et axées sur l’entreprise est très fragmenté. Dans les années à venir, aucun outil particulier ne couvrira tous les services mobiles ; il faudra par conséquent en utiliser plusieurs. Ensuite, une nouvelle approche de l’expérience en situation de mobilité apparaîtra, capitalisant sur les sentiments et les émotions pour provoquer des changements de comportement chez l’utilisateur.

3 L’Internet des objets et des lieux

Le réseau internet dépasse le cadre des PC et des terminaux mobiles pour englober tous les actifs de l’entreprise, ses équipements de terrain ainsi que ses biens de consommation comme les automobiles et les téléviseurs. Le problème, c’est que la plupart des organisations et des fournisseurs de technologies n’ont pas encore exploré les possibilités de cet internet élargi. Ils ne sont pas prêts, d’un point de vue opérationnel et organisationnel. Il faut donc imaginer la numérisation des produits, des services et des biens les plus importants. La combinaison de services et de flux de données nés de cette numérisation globale peut créer quatre nouvelles opportunités d’usage : le suivi des objets, la valorisation des données, leur exploitation et leur expansion. Ces quatre modèles pourront s’appliquer à n’importe quel internet, celui des personnes, des objets, des informations ou des lieux. L’entreprise doit explorer ces quatre modèles et pas seulement l’internet des objets.

4 Le Cloud hybride et son broker de services

Le regroupement de Cloud personnels et de services externes de Cloud privés devrait s’imposer. Les organisations vont concevoir des services Cloud privés en pensant à l’avenir hybride. Elles s’assureront des futures possibilités d’intégration et d’interopérabilité. Les services Cloud hybrides pourront être constitués de différentes manières, relativement statiques ou plus dynamiques. La gestion de cet assemblage dépendra d’un élément assumant la fonction de courtier de services Cloud ou CSB (cloud service broker). Il va traiter l’agrégation, l’intégration et la personnalisation des services Cloud. Les organisations qui s’ouvriront au Cloud Computing hybride à partir de services Cloud privés assumeront les fonctions de CSB. Le Cloud hybride apporte des ressources complémentaires, en cas de pics de trafic ou ponctuellement. Mais les premiers services Cloud hybrides seront, en majorité, statiques et non dynamiques. Ils seront vraisemblablement composés d’un Cloud interne privé et d’un service Cloud public pour couvrir une fonctionnalité ou stocker des données particulières. Davantage de déploiements émergeront au fur et à mesure des évolutions du CSB, une infrastructure privée IaaS pouvant tirer parti de fournisseurs de services externes, en fonction des stratégies et des usages.

5 L’architecture nuage/client

Les modèles d'architectures applicatives sont également en train de se transformer. Dans l’architecture nuage/client, le client exécute une application riche sur un terminal connecté à Internet ; le serveur accueillant un ensemble de services applicatifs hébergés sur une plateforme Cloud, de plus en plus élastique et évolutive. Tandis que les données enregistrées et les applications vont s’étendre à plusieurs terminaux clients, le Cloud constituera le point de contrôle. L’environnement client pourra être une application native ou bien fondée sur le navigateur web. De nombreux terminaux, aussi bien PC de bureau que mobiles, offriront davantage de puissance pour la navigation web. Cette faculté, associée au coût des réseaux et à la nécessité de gérer la bande passante consommée, incitera à minimiser l’empreinte des applications Cloud de calcul et de stockage, et à exploiter l’intelligence et le stockage du dispositif du client. Cependant, des demandes de plus en plus complexes de la part des utilisateurs mobiles se traduiront par de nouveaux besoins en capacités de traitement et en stockage, côté serveur.

6 L’ère du Cloud personnel

L’ère du Cloud personnel marquera un déplacement de la puissance des terminaux vers les services. Dans ce nouvel univers, l’organisation aura moins à se préoccuper des caractéristiques des appareils, même si ces derniers seront encore nécessaires. Les utilisateurs se serviront de tout un ensemble d’équipements, le PC demeurant l’une des possibilités, mais aucun terminal ne constituera la plateforme principale. C’est plutôt le Cloud personnel qui assumera cette fonction. L’accès au Cloud et au contenu stocké ou partagé à partir du Cloud sera maîtrisé et sécurisé, au lieu de cibler uniquement le terminal lui-même.

7 Tout est défini par logiciel

L’approche Software-defined anything (SDx) – où tout est défini par logiciel - est un concept qui résume la montée en puissance de normes favorisant les infrastructures informatiques programmables et les datacenters interopérables. Elle provient de l’automatisation inhérente au Cloud Computing, de la démarche DevOps et du dimensionnement rapide de l’infrastructure. Ce collectif SDx comporte également différentes initiatives comme OpenStack, OpenFlow, l’Open Compute Project et Open Rack qui partagent des visions similaires. Au fur et à mesure de l’évolution des silos technologiques et de l’émergence de consortiums, il faudra rechercher des normes nouvelles et des passerelles profitables aux gammes de produits, en mettant au défi les fournisseurs de technologies individuelles de s’engager en faveur de véritables normes d’interopérabilité relevant de leurs domaines respectifs. Bien que l’ouverture constitue toujours un objectif revendiqué par les fournisseurs, différentes interprétations des SDx restent possibles. Les fournisseurs de technologies SDN (réseau), SDDC (data center), SDS (stockage) et SDI (infrastructure) s’efforceront tous de maintenir leur leadership dans leurs domaines respectifs, tout en déployant des initiatives SDx. Ils pourraient ne se conformer aux normes qu’à contrecœur, risquant de fragiliser leurs marges et d’ouvrir des espaces concurrentiels élargis, même si le consommateur bénéficie de la simplicité, de la diminution des coûts et de l’efficacité de la consolidation.

8 L’informatique à l’échelle du web

Les technologies de l’information à l’échelle du web forment un modèle mondial qui bouscule des positions établies, selon plusieurs critères. Les grands fournisseurs de services Cloud comme Amazon, Google ou Facebook sont en train de réinventer l’informatique et la manière de délivrer des services et des contenus. Leurs facultés d’évolutivité s’expriment en taille, vitesse et agilité. Pour suivre le rythme, les entreprises devront émuler les architectures, les processus et les pratiques de ces prestataires d’infrastructures et de services Cloud. Elles entreront dans une ère informatique à l’échelle du web. Cette approche modifie la chaîne de valeurs des technologies informatiques de manière systémique. Les datacenters sont conçus dans une perspective d’ingénierie industrielle, recherchant la moindre occasion de réduire les coûts et les gaspillages. Au-delà du réaménagement des installations pour les rendre plus éco-énergétiques, cela inclut également la conception, en interne, de composants matériels clés comme les serveurs, les baies de stockage et les réseaux. Les architectures axées sur le web permettront aux développeurs de construire des systèmes très souples et résistants, toujours opérationnels en dépit des pannes.

9 Des machines intelligentes

D’ici à 2020, de nouvelles machines intelligentes vont se développer. On assistera à la prolifération d’assistants personnels sensibles au contexte, de conseillers intelligents comme Watson d’IBM et de systèmes industriels mondiaux avancés. Le grand public accèdera aussi aux premiers exemplaires de véhicules autonomes. L’ère des machines intelligentes sera sans doute la plus perturbatrice de toute l’histoire de l’informatique. Les nouveaux systèmes concrétiseront plusieurs visions précoces en effectuant des tâches que l’on pensait réservées aux personnes, et non aux machines. Le Gartner prévoit que les utilisateurs s’investiront dans leurs propres machines intelligentes ; ils les contrôleront et s’en serviront pour améliorer leurs résultats. Les entreprises investiront aussi dans de nouvelles formes d’assistants numériques. Une fois passée la première vague d’achats professionnels, les machines intelligentes se démocratiseront.

10 L’impression 3D

Les livraisons mondiales d’imprimantes 3D devraient croître de 75% en 2014 avant de doubler en 2015. Bien que d’onéreux robots de “fabrication additive” existent depuis vingt ans, le marché des périphériques vendus entre 500 et 50 000 dollars est naissant et déjà en pleine croissance. L’essor du marché grand public a sensibilisé les entreprises au fait que l’impression 3D est un véritable moyen viable et rentable de réduire les coûts, en raison de l’amélioration des logiciels de conception, de la rationalisation du prototypage et de la fabrication de petites séries.

mardi 18 novembre 2014

Innovation : les limites du Business model par « bourrage »





Business model , Innovation

Thierry Bardy - tags ; Business model,  Big bang disruption  , innovation disruption , destruction créative , Clay Christensen Le Dilemme de l’Innovateur, Philippe Silberzahn, Schumpeter 










Selon Larry Downes et Paul Nunes dans Big Bang Disruption : Strategy in the Age of Devastating Innovation, l’innovation combinatoire fait désormais jeu égal avec la recherche & développement, et donne naissance à une économie plus créative dans laquelle des myriades de geek, de makers et de start-up font et défont des industries entières en quelques semaines, puis subissent et accélèrent de facto le rythme des disruptions dévastatrices.

En 2010, le service en ligne Google Maps – développé cinq ans plus tôt par la firme de Mountain View – avait acquis ses lettres de noblesse auprès des automobilistes. Plutôt qu’investir dans un onéreux terminal GPS auto nécessitant une lourde mise à jour, le conducteur branche son smartphone sur l’allume-cigare de son véhicule, active l’application mobile Google Maps et bénéficie aussitôt d’une expérience de géolocalisation augmentée (indicateur de direction, assistance vocale, état du trafic, moteur de recherche) et totalement gratuite. En 18 mois, les firmes TomTom, Garmin et Magellan, leaders mondiaux des terminaux GPS depuis la fin des années 1990, assistèrent à l’effondrement brutal de leurs valeurs boursières et de leurs parts de marché, impuissantes qu’elles furent face à l’infomédiaire Google, nouvel entrant complètement inattendu dans l’industrie de la géolocalisation.
Selon Larry Downes et Paul Nunes – respectivement analyste technologique et directeur recherche chez Accenture – TomTom, Garmin et Magellan ont été victimes d’une big bang disruption, expression désignant une « innovation dévastatrice » de loin plus brutale et plus rapide que la disruption classique décrite par Clay Christensen dans Le Dilemme de l’Innovateur (1997), clairement expliquée par Philippe Silberzahn.
Dans le modèle traditionnel de l’innovation, des produits matures sont concurrencés puis surpassés en quelques années / décennies par des offres plus innovantes. Dans le modèle de la Big Bang Disruption, des marchés ou des secteurs sont détruits en quelques jours / mois par des nouveaux entrants totalement imprévus, développant sans contrainte des concepts disrupteurs, souvent (mais pas toujours) mal préparés à des succès fracassants.
Deux années suffirent à l’iPhone pour désarçonner le finlandais Nokia et le canadien Blackberry qui ne croyaient guère aux téléphones tactiles multimédia. Apple et Google firent littéralement main basse sur le prolifique marché des systèmes d’exploitation mobiles, ne laissant qu’une portion congrue à Microsoft, béatifié et cantonné au marché stagnant des PC. Aujourd’hui, la firme de Redmond tente sa réinvention maladroite avec Windows 8 (et bientôt Windows 10) et sa gamme de terminaux hybrides Surface et Surface Pro.

L’irruption de l’iPhone et la croissance organique d’Android ont provoqué une big bang disruption dans les industries de la géolocalisation et de la téléphonie mobile, précipitant TomTom, Garmin, Nokia, Blackberry et Microsoft vers de véritables catastrophes, au point de détruire leurs modèles économiques et de mettre leurs existences en péril… à la grande surprise des game-changers Apple et Google. Les industries des baladeurs audio, des chaînes hi-fi et la distribution de produits culturels (Virgin Megastore, FNAC) furent également victimes du succès des smartphones, des tablettes, de la musique dans le cloud (Deezer, Last FM) et de la distribution en ligne (iTunes, Amazon).
L’ouvrage abonde d’exemples provenant des industries technologiques mais les auteurs ne tarissent point d’études de cas concernant une diversité de secteurs. Ainsi, un concept développé par quelques geek ou par une bande de makers peut semer la terreur dans l’économie réelle.
C’est le cas de la fameuse start-up Uber qui fait trembler les taxis de par le monde avec son application mobile ; de la plate-forme communautaire AirBnB qui produit le même effet dans la location immobilière ; du site de covoiturage BlaBlaCar perçu comme un concurrent direct de la SNCF ; de l’impression 3D dans la fabrication d’outils, de composants, de jouets et d’armes légères ; et de la « dronautique » artisanale ou industrielle dans la photographie aérienne, la vidéo en direct, la reconnaissance militaire, la logistique, les loisirs techno…
Rôle moteur des licences ouvertes
Les innovations dévastatrices doivent énormément aux licences ouvertes (open source, logiciels libres, Creative Commons, etc), aux composants sur étagère, aux kits de développement hardware / software, aux services cloud, aux applications mobiles, aux médias / réseaux sociaux, aux plate-formes collaboratives et aux financements participatifs (crowdfunding) qui irriguent et transforment irrémédiablement les processus de développement, de conception et de fabrication. Ces multiples facteurs de production déroulent le tapis rouge à l’information et à la communication (économie, technologie, qualité, popularité, etc) en temps réel, aux innovations ouvertes et/ou combinatoires (qui font désormais jeu égal avec la R&D interne et propriétaire) et abaissent considérablement les coûts d’entrée dans plusieurs industries.

Selon l
’Atelier, « l’explosion des kits de développements hardware pour les objets connectés low-cost donne naissance à une génération de « makers » aussi innovante que la R&D traditionnelle. [...] Le Do It Yourself incarne en effet un mouvement de « hackers » qui entrent compétition avec le processus de recherche et développement historique. Le postulat théorique est que certaines des grandes inventions furent le fait d’inventeurs indépendants à des époques où les prix d’outils performants étaient suffisamment bas pour être accessibles par tous. Arduino, Scratch et les imprimantes 3D sont donc des outils accessibles qui feront peut-être naître une nouvelle grappe d’innovation non plus issue des laboratoires mais des « hackers » eux-mêmes. [...] Ken Burns, de Tiny Circuits, rajoute, « des personnes à toutes les échelles d’une organisation peuvent créer des prototypes et tester des concepts et ne sont plus enchaînés à l’ancienne mentalité R&D ». [...] La chaîne de décision qui mène de l’idée au prototype est de plus en plus réduite grâce aux kit de programmation hardware qui s’inspire du phénomène « Arduino ». [...] Ken Burns explique finalement que, si les budgets alloués aux grands projets de recherche ne disparaîtront sans doute pas avec l’arrivée des « makers », ceux-ci vont néanmoins avoir un rôle à jouer dans le management de l’innovation et les découvertes elles-mêmes. »
Dès lors, des start-up pourvues d’un minimum d’expérience et de capital initial peuvent rapidement mettre à mal des firmes établies – exerçant dans diverses activités proches ou lointaines – avant de subir à leur tour l’émergence d’autres game-changers.
Dans un environnement technologique et économique mû par l’innovation dévastatrice, aucune entreprise n’est à l’abri d’une disruption radicale qui affectera sa planification stratégique, son marketing, ses ventes, sa conception/fabrication, ses finances, sa R&D, etc.

De nombreux secteurs, peu ou prou sensibles aux évolutions technologiques, subiront l’innovation dévastatrice plus que d’autres : biotechnologies, énergies renouvelables, électronique grand public, transport, logistique, électricité, robotique, médias, sécurité, commerce, éducation, impression 3D, objets connectés, armement, etc.
Les start-up et les firmes qui réussiront préventivement leurs mutations ou leurs démantèlements « au sommet de la gloire » sauront mieux embrasser de nouveaux modèles économiques ou de nouveaux métiers.
C’est le cas de Nintendo qui détruit et crée successivement de nouveaux écosystèmes pour chaque génération de ses consoles de jeu ; de Philips qui a entrepris avec brio sa conversion aux ampoules fluorescentes à basse consommation – malgré les profits juteux générés par ses ampoules incandescentes ; ou de Fujifilm qui a pris pied dans la R&D en chimie et en pharmaceutique grâce à ses émulsions anti-oxydation pour pellicules photographiques qui trouvent des applications contre la désintégration du collagène dans les produits cosmétiques.

Ce ne fut guère le cas de son concurrent Kodak, champion de la photographie argentique qui a subi l’essor de la photographie numérique sans réagir.
En acquérant Whatsapp et Instagram et en développant Slingshot, Facebook tente de se prémunir contre la concurrence de réseaux sociaux et de messageries instantanées dédiés aux smartphones et plébiscités par les teen-agers et tween-agers.
Downes & Nunes ont décomposé le processus d’innovation dévastatrice en 4 phases :
1. La Singularité. Une multitude de créateurs et de start-up introduisent leurs concepts sur des marchés relevant de leurs cœurs de métiers. Leurs solutions innovantes, parfois expérimentales, échouent lamentablement ou demeurent invisibles à des acteurs établis mais constituent déjà des facteurs de disruption pour le futur à court/moyen terme.

2. Le Big Bang. Fort d’une innovation combinatoire et d’un modèle économique adéquat, une start-up crée un nouveau marché ou de nouveaux écosystèmes caractérisés par l’attraction rapide et massive de nouveaux utilisateurs/clients. Le game-changer enregistre une croissance faramineuse et quasi exponentielle, la disruption conséquente prend de court les acteurs établis, des industries deviennent brutalement obsolètes, agonisent, implosent ou se réinventent..

3. Le Big Crunch. Du fait de la saturation du marché sur un temps (très) court, la solution innovante parvient à maturité. Le game-changer d’autrefois est victime soit du big bang d’un nouvel entrant, soit d’un « succès catastrophique » qu’il n’a pas su anticiper / corriger : insuffisance en ressources humaines ou en capacité serveurs, défauts de conception ou de livraison. Parallèlement, sa croissance devient très lente et la valeur de ses actifs stagne ou diminue fortement.

4. L’Entropie. Des niches de clients conservateurs ou d’utilisateurs nostalgiques subsistent dans un marché en rétrécissement constant. Les actifs obsolètes et dévalués (matériels, immatériels) sont vendus à prix cassés ou cédés à des tiers qui les exploiteront afin de générer de nouvelles singularités.
Ce processus est illustré par le modèle de la dent de requin censé remplacer les modèles traditionnels en cloche (crées par Geoffrey Moore et Everett Rogers) du cycle de vie et de pénétration du marché d’un produit / service.
Les pionniers, les innovateurs, la majorité précoce, la majorité tardive et les réfractaires relèvent désormais de l’histoire. À l’ère de l’innovation dévastatrice à très grande vitesse, il n’y a plus que les utilisateurs à l’essai (trial users) et la majorité restante.
La vision de Downes & Nunes converge largement avec celles de Chunka Mui et Paul Carroll dans The New Killer Apps : How Large Companies Can Out-Innovate Start-Ups, de Jeremy Rifkin dans La Nouvelle Société du Coût Marginal Zéro et de Chris Anderson dans Makers : La Nouvelle Révolution Industrielle.

Toutefois, Big Bang Disruption a l’immense mérite de prodiguer quelques précieuses recommandations afin d’observer et d’anticiper autant que possible les différentes phases d’un cycle d’innovation dévastatrice :
Singularity :
Rule 1: Consult your truth tellers:” i.e. find people who know what’s going on out there.
Rule 2: Pinpoint market entry:” i.e. find the right time to enter the market, neither too soon nor too late.
Rule 3: Launch seemingly random market experiments.” i.e. continue to learn rapidly from small-scale experiments
Big Bang :
Rule 4: Survive catastrophic success.” i.e. overnight success can be wonderful, but also fatal if the firm isn’t ready to cope with exponential growth in demand.
Rule 5: Capture winner-take-all markets.” i.e. focus gains on markets where the winner will garner most of the profits.
Rule 6: Create bullet time.” i.e. defend against competitors who might be on the same track.
Big Crunch :
Rule 7: Anticipate saturation” i.e. don’t expect continued exponential growth.
Rule 8: Shed assets before they become liabilities” i.e. take a realistic look at the value of existing assets given the probability of continuing disruption.
Rule 9: Quit while you’re ahead:” i.e. consider the possibility of disengaging before fatal disruption strikes.
Entropy :
Rule 10: Escape your own black hole” i.e. if you remain as the remaining incumbent of a business that has fallen from grace, you may continue to make some money, but beware of legacy costs, legacy customers and legacy regulation that make it harder not easier to compete.
Rule 11: Become someone else’s components”: i.e. after succumbing to disruption, components may be more valuable than you think.
Rule 12: Move to a new Singularity” i.e. move on to disrupt new markets.

Néanmoins, un manager peut s’interroger sur la capacité réelle d’une entreprise à simultanément investir sur la durée dans son cœur de métiers, atteindre son seuil de rentabilité, maximiser sa valeur actionnariale et anticiper / affronter l’innovation dévastatrice… qui, corollairement, révèle une tendance lourde : les firmes ne seront plus forcément les locomotives ou les cœurs des activités industrielles et devront s’adapter à une économie plus créative (creative economy) et donc faire face à la prolifique et féroce concurrence des start-up, des développeurs et des makers.
Les écoles d’ingénieurs, de commerce / gestion, les facultés d’économie, les chambres de métiers et les gourous du management devront tôt ou tard réviser leurs paradigmes… avant que les MOOCS – autre disruption ! – s’y mettent ?





mardi 4 novembre 2014

Thierry Bardy : Pourquoi l'innovation "disruptive" n'est pas donnée à tout le monde



 
Thierry Bardy - Hemispheredroit-institut

Les entreprises qui cumulent tant l'ambition que la capacité d'innover radicalement ont toutes les caractéristiques des sociétés "fortements innovantes". Mais elles s'en distinguent par une culture spécifique, fondée sur l'expérimentation et la prise de risques, souligne une étude du Boston Consulting Group (BCG).
Fondée sur une enquête réalisée auprès de 1.500 cadres dirigeants issus de tous secteurs et de toutes régions géographiques, ainsi que sur les résultats financiers de leurs sociétés, l'étude se penche pour la première fois sur la distinction entre deux types d'innovation : celle "classique" et celle "disruptive", cette dernière impliquant un changement radical des technologies ou du modèle économique appliqués dans une industrie. Il en ressort un constat : alors que l'innovation reste l'une des trois priorités des sociétés dont font partie trois quarts des répondants, et que 61% d'entre eux comptent y consacrer davantage de ressources en 2014, seuls 7,5% appartiennent à des entreprises cumulant tant l'ambition que la capacité d'innover radicalement.

Amazon, paradigme de l'innovation "disruptive"

Ce sont par ailleurs justement ces rares entreprises identifiées comme "disruptives" qui, "en modifiant le domaine du possible", finissent par "hausser la barre du niveau d'innovation que doivent poursuivre leurs concurrents", souligne l'un des auteurs du rapport, Hadi Zablit.
Si le BCG a choisi ne pas les lister spécifiquement, estimant ne pas posséder encore suffisamment de données pour évaluer leur capacité de maintenir ce même niveau d'innovation dans la durée, l'étude cite toutefois quelques exemples.

Dans le secteur automobile, émerge ainsi Tesla Motors, pour avoir "changé la perception des répondants de ce qu'est l'innovation dans le secteur automobile". Selon le BCG, le paradigme même de l'entreprise "disruptive" est néanmoins Amazon, qui a révolutionné "les attentes des consommateurs sur ce que devrait être l'expérience d'achat" : sans être le plus gros détaillant, il est ainsi celui dont tous les autres dans le secteur "doivent tenir en compte quand ils planifient leur stratégie future".

Tous les atouts des innovateurs "classiques"

Mais qu'ont donc ces sociétés "disruptives" de plus que leurs concurrentes, y compris que celles classées par l'étude parmi les plus "fortement innovatrices" ?
D'abord, loin du mythe de l'"entreprise de garage", elles leur ressemblent. "Pour innover radicalement et de manière répétitive, il faut d'abord être en mesure de le faire classiquement. Tant que cette condition n'est pas réunie, l'innovation disruptive restera un cas isolé", souligne Hadi Zablit.
"Et innover demande toujours la réunion de plusieurs facteurs", observe l'expert. La même étude réalisée par le BCG en 2013 en identifie notamment cinq, dont la synergie est la clé de voûte des sociétés "fortement innovatrices" :
une direction engagée sur les objectifs d'innovation,
des processus de décision rapides et de gestion collaborative par projets,
l'utilisation de la propriété intellectuelle pour réguler les relations avec les concurrents
et la focalisation sur les attentes des clients.

Les innovateurs "disruptifs" ne se passent pas de ces facteurs, mais les valorisent encore plus que les autres voire les utilisent de manière inédite. C'est le cas par exemple de Tesla, qui a récemment annoncé ne pas vouloir poursuivre les autres fabricants de voitures électriques utilisant ses technologies "de bonne foi" : une manière, selon le BCG, de favoriser la croissance d'un marché dans lequel le constructeur sait qu'il ne pourra pas opérer tout seul.

Une culture radicalement différente

"Cependant, l'innovation radicale requiert aussi quelque chose de complètement différent : une culture de l'expérimentation et de la prise de risques à tous les niveaux de l'entreprise, souligne Hadi Zablit.
Le retour financier estimé n'est ainsi plus le principal critère d'évaluation d'une idée, au profit de considérations plus à long terme prenant en compte l'avantage compétitif rapporté par l'invention. L'accent est mis sur la valorisation et la hiérarchisation des idées plutôt que sur leur recherche et leurs sources potentielles sont très largement conçues. On parie sur les talents.
Pour 54% de ces sociétés, l'innovation et la recherche de nouveaux produits sont la priorité absolue, et pour 43% (contre 35% de celles innovantes mais non "disruptives") l'approche novatrice concerne également le modèle économique. La moitié d'entre elles (le double de la moyenne des autres entreprises) affirment d'ailleurs générer plus de 30% de leurs ventes à partir de produits créés pendant les trois dernières années.
Dans deux tiers de ces innovateurs "disruptifs", la centralisation du processus, du moins à son stade initial, assure par ailleurs un fort soutien par la direction et des investissements adaptés.

La prudence et la bureaucratie, ennemies de l'innovation radicale

"L'approche est tellement différente de celle traditionnelle qu'elle impose parfois de s'adresser à des collaborateurs extérieurs, étrangers à la culture interne appliquée normalement", observe Hadi Zablit. En dehors de quelques rares exceptions telles que Reckitt Benckiser, possesseur des marques Dr. Scholl's, Calgon et Woolite, et que Schell, la plupart des grosses structures, où la prudence et la bureaucratie priment, ont d'ailleurs du mal à s'y plier.
Et ce bien que, parmi les ressources consacrées à l'innovation, le pourcentage de celles réservées à l'innovation radicale et aux nouvelles technologies reste relativement constant dans le temps, autour de 60%, souligne le BCG.
Les répondants à l'enquête semblent d'ailleurs se rendre compte de cette faiblesse, puisque parmi les 13% d'entre eux affirmant que leurs sociétés partagent une vraie ambition de produire des innovations radicales, 42% estiment en revanche que leurs capacités d'innovation sont au mieux dans la moyenne.

Les attentes numériques des clients inassouvies

L'incapacité de la plupart des entreprises de suivre le pas dicté par leurs concurrents "disruptifs" ainsi que par les attentes des consommateurs est d'ailleurs particulièrement évidente en matière de Big Data et d'applications mobiles.
Non seulement le public, "éduqué par des innovateurs tels qu'Apple, Amazon et Google", est désormais gourmand de numérique, qui lui simplifie la vie, souligne l'étude.
Mais, surtout, "le digital permet un vrai changement d'approche dans la relation avec les clients : il rend possible d'anticiper leurs besoins et réduit ainsi l'importance de la promotion du produit", observe l'un de ses auteurs, Hadi Zablit.

Selon le BCG, d'ailleurs, "les leaders des Big Data génèrent des recettes deux fois supérieures à celles de ceux qui ne les expérimentent pas".
Pourtant, seulement un tiers des répondants considère que les Big Data et les applications mobiles auront un impact significatif sur l'innovation dans leurs industries dans les trois à cinq ans à venir, et encore moins comptent investir dans ces domaines. En revanche, deux tiers des innovateurs "disruptifs" affirment créer fréquemment de nouvelles idées à partir des réseaux sociaux ou des Big Data, en imposant ainsi un rythme qui risque de devenir de plus en plus difficile à rattraper...

Un avantage pour les pays émergents ?

Les entreprises des économies émergentes sont peut-être celles auxquelles la hausse de la barre de l'innovation fait le moins peur. "Dans certains pays tels que la Chine le gouvernement soutient financièrement l'innovation "disruptive". Surtout, la culture des entreprises de ces régions est souvent plus adaptée à sa promotion", souligne Hadi Zablit.
Déjà, aujourd'hui, d'ailleurs, la majorité des sociétés les plus innovantes des BRIC tirent plus de 20% de leurs ventes de produits et services crées pendant les trois dernières années.

vendredi 31 octobre 2014

Management: cinq idées reçues qui ont la vie dure

Management: cinq idées reçues qui ont la vie dure


Recruter des profils similaires, capitaliser sur ses points forts... Ces "archaïsmes managériaux" sont à revoir, selon Pascal Picq, paléoanthropologue au Collège de France . Car la clef de l'évolution est dans la diversité. 

 
Vouloir coller parfaitement à un modèle idéal préétabli est une vue universaliste des choses qui nie les contraintes mouvantes et nos capacités à y répondre en innovant. Car l'homme est l'espèce qui a la plus grande plasticité comportementale, physique et cognitive. D'où l'importance pour un manager de dépasser les clichés du "bien agir" qui figent les comportements et freinent l'élan créatif et adaptatif. 

 

 

Idée reçue n° 1 : "On ne change pas une équipe qui gagne"

Faux. Il faut la changer pour avoir les meilleures chances de gagner le coup d'après. Plutôt que de renouveler les acteurs, il s'agit avant tout de transformer les manières de faire au sein du collectif afin de créer de la diversité, de la singularité. C'est la "variation", l'un des facteurs clés de l'innovation darwinienne. Les gènes mutent, se recombinent sans intention ni projet si ce n'est la survie de l'espèce. Ce qui, après sélection, génère des caractères nouveaux dans la population donnée.
Dans l'équipe, casser les routines, réaffecter le leadership, recomposer les compétences selon la stratégie retenue permettra à chacun d'exprimer son potentiel et de résister à l'adversaire et/ou à l'adversité.

Idée reçue n°2 : "Il faut capitaliser sur ses points forts"

Faux. Là aussi, il est bon pour l'individu ou l'entreprise de tenter autre chose. Ne développer que ce qu'ils savent déjà faire les conduit à se scléroser, à saturer leur environnement (entourage, marché) et à se laisser dépasser par des compétiteurs. L'un et l'autre doivent être capables de proposer des schémas neufs et de cultiver divers talents - sans renier leurs atouts premiers -, en se bousculant. Dans les lignées du vivant (plantes, animaux, hominoïdes), des branches nouvelles ont ainsi émergé jusqu'à parfois supplanter les anciennes parce que de son côté l'environnement avait, lui aussi, changé. Exemples en économie : Kodak focalisé sur l'argentique loupant le virage du numérique et qui se meurt alors que PSA, se diversifie en lançant sa marque de luxe DS qui bourgeonne déjà en Chine.

 

Idée reçue n°3 : "Recruter les mêmes profils est gage d'efficacité"

Faux. Ce réflexe se base sur le principe d'homogamie, le choix d'un conjoint qui appartient au même groupe social ou équivalent au sien. Le manager présuppose qu'un collaborateur décalqué du précédent sera aussi performant. Il s'appuie sur ce que les évolutionnistes appellent "les causes proximales", celles liées à un environnement stable et à une structure qui marche bien. Le candidat saura dès lors s'intégrer et réussir dans l'entité quitte à s'ajuster par à-coups. Cependant il ne sera adapté au job que pour une partie de ses compétences et de son histoire. Aux moindres crises et projets innovants il sera démuni. Le manager doit considérer les "causes ultimes", celles qui englobent tous les facteurs qui dans le passé ont renforcé l'espèce. Dans le cas du postulant, ce sera sa formation atypique, son expérience multiforme et son potentiel au delà du savoir faire immédiat.

 

Idée reçue n°4 : " Le mérite doit être récompensé"

Vrai et faux. L'évolution n'implique pas forcément sélection féroce et élimination des concurrents. Il y a aussi de l'entraide et de l'interdépendance dans un écosystème. C'est vrai aussi dans la construction d'une carrière. Or le mérite quand il sous-entend de l'individualisme et un certain stakhanovisme empêche les autres de s'épanouir. Pour Darwin, ce n'est pas la personne isolée qui s'adapte mais le groupe. La façon dont le méritant a fait émerger la réussite collective (idées, énergie, coopération, encouragements...) doit faire partie des critères de reconnaissance.

Idée reçue n°5 : " Garder l'exclusivité permet d'avancer plus vite"

Faux. Une espèce ou un individu n'évolue jamais seul, il est dans une dynamique de coévolution. Chacun profite de l'écosystème et contribue à son équilibre selon les lois de l'interaction ou de "l'altruisme intéressé". Les abeilles butinent et assurent la pollinisation des fleurs. Les chauves-souris vampires donnent un peu du sang de leur proie à leurs congénères affamés après une mauvaise chasse, se garantissant ainsi de l'aide en retour en cas de pareille mésaventure. Le dirigeant doit accorder plus de place à l'échange, au partage, à la collaboration intra ou interentreprises. Vouloir conserver une idée, un savoir, un élément brillant, c'est tuer la créativité de l'entité et son développement.

L'anthropologie nous apprend que l'isolationnisme est l'avant-dernière étape avant l'extinction. On vit mieux avec des concurrents qu'en l'absence de concurrents.
(1) Egalement expert APM, il est l'auteur de "Un paléoanthropologue dans l'entreprise", Eyrolles, 2011