jeudi 24 octobre 2013

Thierry Bardy "La révolution numérique n'arrive pas où on l'attend !!! "

Ceux qui croient que la foudre de la révolution numérique ne s'abattra que sur la high-tech et l'univers des médias se trompent...L'explosion de la puissance informatique, le boom du très haut débit, la généralisation du cloud et du « big data » sont en train de changer la donne dans toutes les industries.

F. Ménager pour « Les Echos »

Quelles seront les prochaines victimes de la révolution technologique ? Après avoir eu la peau de Nokia et de BlackBerry, fait disparaître des pans entiers de l'industrie musicale et fragilisé les fabricants de PC ringardisés par l'émergence des tablettes, le progrès technique est programmé pour faire de nouvelles victimes.
L'explosion de la puissance informatique, le boom des réseaux à très haut débit fixes et mobiles, la généralisation du cloud et du « big data », qui permettent à tout moment de puiser dans des bases de données, de collecter et d'analyser des informations très personnelles sur des milliards de consommateurs, changent la donne dans toutes les industries.

Les barrières à l'entrée chutent, les réussites se mondialisent bien plus rapidement qu'avant, les start-up partant de zéro s'avèrent plus d'une fois plus efficaces que des géants bien établis disposant d'une expérience, d'un savoir-faire, de marques et d'équipes qui ont longtemps constitué des atouts, mais qui paradoxalement peuvent s'avérer maintenant être des freins.


Et la tendance ne va pas se ralentir car le progrès de la puissance informatique s'accélère (1). Les ordinateurs d' IBM battent des hommes à des jeux d'intelligence et de mémoire, les voitures roulent sans chauffeur, les diagnostics médicaux sont effectués avec fiabilité par des machines, les logiciels prennent en charge traduction simultanée ou rédaction d'articles... Les médecins, les traducteurs ou les journalistes peuvent trembler, mais personne ne devrait se sentir à l'abri.

L'impact de cette révolution s'est déjà fait sentir dans certains métiers dont les organisations sont remises en question. Les taxis parisiens, qui n'ont a priori pourtant rien à voir avec l'informatique et les réseaux sociaux, constatent ainsi, dépités, qu'ils sont les victimes collatérales du digital. Longtemps, le monopole des taxis était protégé par un numerus clausus imposé par la préfecture de police.
Pas de plaque, pas de taxi... et donc pas le droit de marauder, c'est-à-dire d'attendre le client dans la rue. Aujourd'hui, n'importe qui peut devenir taxi. Il suffit de télécharger une application sur son smartphone permettant de mettre en relation un chauffeur et un client. Le privilège de la maraude est devenu un handicap. Les taxis attendent immobiles ou roulent à vide en cherchant le chaland alors que leurs nouveaux concurrents sont mis en relation directe avec leurs clients. La loi pourra tenter de freiner l'essor de cette concurrence. Mais, si une réglementation peut dresser des barrages temporaires sur la route du progrès technique, elle ne peut durablement espérer repousser le tsunami digital qui permet de faire émerger de nouveaux services plus performants.
Car le taxi 2.0 est plus efficace. Les courses sont payées électroniquement (plus besoin d'avoir de monnaie), le prix est fixe (il varie en fonction de la distance et des heures pour ajuster offre et demande mais n'est pas impacté par les bouchons), le client est informé de la position de son véhicule en approche. Avec le Web, les particuliers qui sous-louent une chambre concurrencent les hôtels et les services de chauffeurs peuvent doubler les taxis.

Le monde des agences publicitaires subit la même révolution. Avant, un patron d'agence se devait d'embaucher des créatifs ou des spécialistes en tout genre. Au jour- d'hui, un site Internet peut suffire à jouer un rôle d'intermédiaire.

Le client dépose sa demande pour un nouveau spot. L'agence transmet cette demande à des centaines ou des milliers de créatifs qui seront mis en compétition de façon instantanée. L'agence n'a plus besoin d'avoir un staff permanent pléthorique, elle peut s'appuyer sur une équipe restreinte sachant où trouver des talents, peut-être sous-employés chez un concurrent. En ce qui concerne les régies publicitaires, le problème est encore plus flagrants, le RTB pourrait supprimer à terme les forces commerciales physiques.

 N'importe qui peut s'appuyer sur le « crowdsourcing », le pouvoir de la foule. Demain, les journaux auront-ils besoin de journalistes ou juste d'une marque et d'un éditeur dont la mission sera de faire appel ponctuellement à des compétences particulières qu'il validera ?

Et dans l'automobile ? Pendant combien de temps les clients considéreront-ils que le design ou la motorisation sont les éléments les plus importants ? Si demain, comme Google est en train d'en faire la démonstration, la voiture peut se passer de chauffeur, le choix d'un véhicule s'effectuera peut-être sur le fournisseur du « soft » plus que du « hard ». L'avenir de l'automobile se jouera plus dans la Silicon Valley qu'à Detroit.
Pour les entreprises, le poids de l'histoire pourrait bien finalement être un handicap. La distribution d'eau ou les autoroutes seront peut-être protégées, mais la grande distribution aura-t-elle longtemps besoin de magasins, si Amazon ou le drive ne ralentissent pas leur progression ?

L'industrie spatiale, qui lance des satellites très coûteux à l'aide de fusées hors de prix, ne sera-t-elle pas concurrencée demain par des start-up proposant des solutions low cost mais pas forcément à la traîne technologiquement ?
Dans l'informatique, la puissance double tous les dix-huit mois à un prix constant. Un iPhone fabriqué aujourd'hui est plus performant que les ordinateurs de pointe du début du siècle. Les entreprises qui s'appuient sur des structures lourdes et coûteuses auront-elles l'agilité suffisante pour survivre ?

Historiquement, le progrès renforçait les acteurs en place capables de l'assimiler.
Aujourd'hui, il faut digérer le progrès mais accepter en même temps de se transformer 





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