mardi 9 juillet 2013

Imprimantes 3D : prévenez Bercy !

Imprimantes 3D : prévenez Bercy !
Les révolutions industrielles commencent toujours par le petit bout de la lorgnette. Les Américains ont commencé à pomper du pétrole pour remplacer la graisse de baleine dans leurs lampes. Lors du premier appel téléphonique de l'histoire, en 1876, Graham Bell demanda à son assistant Thomas Watson, qui était dans la pièce d'à côté, de le rejoindre. Et, en 1943, un autre Thomas Watson, qui dirigeait IBM, estimait que le marché mondial de l'informatique pourrait atteindre un jour cinq ordinateurs. L'histoire plus récente de l'impression en trois dimensions commence elle aussi modestement. En 1981, le Japonais Hideo Kodama raconte la toute première expérience. En 1984, l'Américain Charles Hull fabrique une machine. Leur but est de fabriquer des prototypes. Une génération plus tard, les imprimantes 3D débordent largement cet objectif. Elles savent forger des objets en plastique, en métal, bientôt en cuir ou en bois. Leurs prix baissent aussi vite que leur rapidité augmente - les premiers prix commencent aujourd'hui à 1.000 dollars. Associées aux ordinateurs et à Internet, elles constituent le fondement d'une nouvelle révolution industrielle, la numérisation de la production. Avec deux axes forts : petites séries (et donc sur-mesure) et proximité (et donc relocalisation). General Electric, Boeing et Ford s'y mettent déjà. Autant dire que de larges pans de l'industrie basculent dans le recours intensif à cette technique de production.
En France, l'impression en 3D a longtemps été considérée comme un gadget. Il y a bien sûr des pépites tricolores, comme Sculpteo. Il y a aussi des grandes entreprises bien placées pour devenir des champions mondiaux du secteur, comme Dassault Systèmes avec ses logiciels 3D. Mais l'intérêt du grand public date à peine d'un an, à en croire les recherches faites sur Google. Au gouvernement, Fleur Pellerin, la ministre déléguée chargée de l'Economie numérique, a tenté de mobiliser les énergies autour des « fablab », ces laboratoires de fabrication organisés autour d'imprimantes 3D. Mais ses collègues ne semblent guère concernés. La numérisation de la production va pourtant bouleverser les stratégies de localisation des entreprises, et donc jouer un rôle central dans le redressement productif du pays - ou son contraire. Elle va aussi bousculer les règles de la propriété intellectuelle. Un choc comme celui qui a frappé hier l'industrie musicale pourrait bien toucher demain l'industrie tout entière, avec les plans d'objets qui circulent librement sur Internet. Enfin, la numérisation de la production va déplacer la chaîne de valeur. Elle pourrait amputer la base de la taxe sur la valeur ajoutée, premier impôt français. Quelqu'un pourrait-il prévenir Bercy ?


Menace ou opportunité ?

Il « craint » la prolifération de sites qui référenceront ce genre de fichiers, ce qui nous semble d’ores et déjà inévitable. Un brin alarmiste, il écrit qu’elle « risquerait, à terme, d'engendrer des effets aussi néfastes pour l'industrie que ceux que connaissent actuellement les secteurs de la musique et du cinéma ». A une différence près selon nous : les industries audio-visuelles n’ont pas anticipé l’essor des usages du Web actuels, du partage notamment. Ici l’occasion est apportée sur un plateau de prendre les devants et d’anticiper cette future vague de l’impression 3D. Les cartes sont dans les mains de la classe politique.

M. François Cornut-Gentille demande donc au ministre quels sont « les dispositifs envisagés » pour prendre les devants face à « ces dangers pour la propriété intellectuelle desquels il est nécessaire de se prémunir au plus vite ». On remarquera encore le vocabulaire utilisé dans le texte : risques, reproduction illégale, prolifération à craindre, effets néfastes, dangers… Il est amusant que le sujet inquiète et représente une menace, alors que cela pourrait être considéré comme une véritable opportunité pour la création industrielle ou le prototypage.

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