jeudi 21 mars 2013

La chirurgie et le robot , c'est pour demain


La chirurgie automatique, c'est demain

Les robots commencent à arriver dans les salles d'opération. La tendance est à une baisse des coûts et à une plus grande polyvalence. Mais le chirurgien restera aux commandes.
Les robots vont-ils envahir les salles d'opération ? Probablement, et leur avant-garde s'appelle Da Vinci. Plus qu'un robot, cette « machine de télémanipulation » de la société Intuitive Surgical permet au chirurgien de travailler assis devant une console, avec des images en 3D sous les yeux. A quelques mètres de la table d'opération. Grâce à deux petites manettes, le médecin pilote les quatre bras articulés du robot au bout desquels sont fixés ses instruments et une minuscule caméra, qui pénètrent à l'intérieur du corps du patient par deux ou trois trous de moins d'un centimètre de diamètre. Des bras précis et d'une habileté diabolique. « Cela autorise des gestes nouveaux combinés avec une vision qui est bien meilleure et permet par exemple d'aller travailler derrière un organe », assure Gilles Pasticier, chirurgien urologue au CHU de Bordeaux.
Adopté par les chirurgiens urologues, car il facilite l'opération de l'ablation de la prostate tout en diminuant les douleurs post-opératoires, Da Vinci intéresse désormais d'autres spécialités : gynécologie, cardiologie, ORL voire chirurgie pédiatrique. « La robotique est un grand pas en avant pour la chirurgie et pour les patients. Les chirurgiens ne doivent pas craindre de voir leur métier évoluer », assure le professeur Marc Colombel, de l'hôpital Edouard-Herriot à Lyon. Cette machine a toutefois un inconvénient principal, son coût, et n'échappe pas à certaines critiques. « Le risque est d'avoir des chirurgiens ne sachant plus opérer qu'avec le robot. Que se passe-t-il s'il tombe en panne ? » demande Guillaume Morel, chercheur à l'Institut des systèmes intelligents et de robotique (Isir) et par ailleurs conseiller scientifique de la société Endocontrol. Depuis quelques semaines, aux Etats-Unis, la Food and Drug Administration enquête sur des cas d'opération problématique et cherche avoir une idée plus précise des bénéfices médicaux de l'appareil.

Vision en profondeur

Dès lors, la concurrence s'oriente vers d'autres choix. L'option du tout automatique, sans chirurgien aux commandes, semble écartée. Notamment pour des raisons d'acceptation sociale. Il y a une dizaine d'années, le robot orthopédique Caspar « usinait » automatiquement et avec une grande précision l'os destiné à recevoir une prothèse… avant qu'un échec mette un terme à son développement. « Nous savons que même le meilleur des chirurgiens est faillible, mais nous ne tolérons pas l'erreur de la machine, même rarissime », explique Guillaume Morel.
Dès lors, il paraît logique de ramener le chirurgien vers la table d'opération. C'est le concept de comanipulation. « Le robot s'efface et l'on apporte au chirurgien le juste nécessaire », résume Guillaume Morel. Deux approches sont en compétition. Avec la comanipulation « parallèle », le bras robotisé reproduit les gestes du praticien situé à ses côtés. Dans le second cas, le chirurgien tient lui-même les instruments chirurgicaux : les pinces très rustiques utilisées pour la coelioscopie sont remplacées par une poignée robotisée - « de l'instrumentation n'apportant que de petites améliorations », estime Marc Colombel.
C'est pourtant le pari low cost de Dextérité Surgical. Après quatre ans de recherche avec le laboratoire de systèmes et matériaux pour la mécatronique de l'université de Savoie, cette start-up d'Annecy a mis sur le marché un dispositif d'assistance pour les spécialistes en urologie, gynécologie et cardiologie : un seul joystick, des articulations directement liées à la main du chirurgien, un écran et un simple boîtier électronique pour contrôler l'ensemble. Face aux 450 kilos du Da Vinci, celui de Dextérité Surgical pèse moins d'un kilo. Il ne coûte que 50.000 euros. « Nous ne changeons rien au geste du chirurgien. Il reste au-dessus du champ opératoire, proche de son patient et profite des avantages les plus évidents de la robotique : une vision en profondeur et des articulations téléopérables qui facilitent les gestes les plus délicats, tels que les fines coutures », explique Pascal Barrier, fondateur de l'entreprise, qui espère installer une centaine de machines d'ici à deux ans. Endocontrol, une autre start-up, a lancé un produit concurrent.

« Plus de sécurité pour le patient »

D'autres vont plus loin, à l'image du français Bertin Nahum, classé comme le quatrième entrepreneur le plus révolutionnaire du monde par le magazine scientifique « Discovery Series ». Sa société, Medtech, commercialise depuis 2009 un système de chirurgie guidée par l'image appelé Rosa. « Il configure le patient comme le ferait un système GPS. Avec un télémètre laser, il reconstruit la zone visée en trois dimensions qu'il juxtapose ensuite avec les modèles fournis par l'imagerie médicale. On obtient ainsi une carte précise du champ opératoire représentée par des milliers de points avec laquelle on peut guider très précisément les instruments. »
Pour l'instant, Rosa ne s'intéresse qu'au cerveau : il permet d'implanter des électrodes de stimulation avec une précision inférieure au millimètre dans le traitement expérimental de la maladie de Parkinson. « On est au début d'un vaste mouvement de robotisation de la salle d'opération qui ne va pas remplacer le chirurgien, mais faciliter les gestes les plus courants avec plus de sécurité pour le patient », estime le fondateur de Medtech, qui a déjà commercialisé 17 machines dans le monde ayant permis de réaliser 600 opérations. Avec l'objectif d'en vendre une cinquantaine d'ici à 2015. La prochaine génération d'appareils de Medtech sera destinée au marché du siècle : le mal de dos. Il faudra ajouter au système de positionnement un dispositif mettant à jour l'image en temps réel. « Le cerveau peut être parfaitement immobilisé. C'est une autre affaire pour la colonne vertébrale, qui se déplace avec la respiration », explique Bertin Nahum.
A plus longue échéance, peut-on imaginer la généralisation des opérations à distance comme l'envisageait la Nasa avec ses premiers développements ? En 2001, le professeur Jacques Marescaux n'avait-il pas opéré depuis New York la vésicule biliaire d'une patiente qui se trouvait à Strasbourg. « La téléopération dans l'espace ? Je n'y crois pas : la médecine d'urgence provoque des saignements et un robot ne sait pas résoudre ça », estime Guillaume Morel.

2,2 milliards de dollars
Chiffre d'affaires 2012 d'Intuitive Surgical pour un bénéfice de 657 millions de dollars.
2 millions d'euros
Prix d'un seul robot Da Vinci, auquel il faut ajouter 200.000 euros de maintenance par an et 2.000 euros en frais de consommables par opération.
2.585
Nombre de robots Da Vinci vendus par l'entreprise californienne depuis 1999.
540 degrés
C'est la capacité de rotation des bras du robot. Comme si le chirurgien était capable de faire tourner son poignet de deux tours et demi. 

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