mardi 10 juin 2014

Consommation TV ; superposition info internet sur sur écran TV













Start-up, chaînes, producteurs, géants de l'Internet et annonceurs rivalisent d'imagination pour tirer profit des applications permettant d'interagir avec une émission.


Pas moins de 150 conférenciers devraient défiler au TV of Tomorrow Show, la grand-messe de la télévision américaine, qui se tient aujourd'hui et demain à San Francisco. Quelques jours plus tard, près de 700 participants sont attendus aux Cross Video Days, organisés à La Plaine-Saint-Denis, au nord de Paris : producteurs, chaînes de télévision européennes, acteurs de l'Internet, annonceurs et start-up viendront y discuter, comme à San Francisco, des complémentarités entre la télévision, Internet et les smartphones.

Ce marché est en pleine ébullition des deux côtés de l'Atlantique. « Les études menées aux Etats-Unis ou en Europe révèlent que les téléspectateurs âgés de dix-huit à quarante-cinq ans, lorsqu'ils sont devant leur téléviseur, passent désormais un quart de leur temps sur un second écran : leur smartphone, leur tablette ou leur ordinateur portable », résume Anne-Marie Roussel, cofondatrice de Seespace, une start-up de San Francisco qui a mis au point un appareil permettant de superposer sur un écran de télé des informations en provenance d'Internet. « Plus besoin de second écran : nous ramenons les yeux des téléspectateurs vers la télé, et donc vers la publicité », poursuit-elle. Car là est le grand enjeu de la télé interactive. « 75 % des personnes font autre chose en regardant la télévision et, parmi elles, 50 % recherchent de l'information sur le programme qu'elles sont précisément en train de regarder », précise Valéry Gerfaud, directeur général de M6 Web.

Pour les chaînes, cela représente à la fois un risque (voir l'engagement des téléspectateurs diminuer si elles ne font rien) et une opportunité (augmenter cet engagement avec leurs propres applications). La grande originalité de cette révolution technologique est qu'elle n'a pas été imposée par les chaînes, les producteurs de télé ou les fabricants de téléviseurs, mais par les téléspectateurs eux-mêmes. « L'enjeu n'est pas de connecter les télévisions ou les émissions en soi : aujourd'hui, ce sont les téléspectateurs qui sont de plus en plus connectés devant leurs écrans et notre offre doit en tenir compte », explique Antonio Grigolini, directeur programmes et social TV à France Télévisions Editions Numériques.

La demande est effectivement là. « Notre application MyTF1 pour tablette ou smartphone a été téléchargée 8 millions de fois, indique Olivier Abecassis, directeur général d'eTF1. Pour certaines émissions, comme "The Voice", nous approchons le million de visites par jour avec, en moyenne des sessions de 10 minutes. » Sur M6, le plus gros succès a été le quiz « Qu'est-ce que je sais vraiment ? », diffusé en mars et avril derniers et auquel l'application 6play permettait de jouer : de 400.000 à 500.000 joueurs, soit plus de 15 % des spectateurs de l'émission, sont restés connectés simultanément. « Le succès de l'interactivité est cependant subordonné à l'audience de l'émission sur le premier écran, relativise Alain Le Diberder, directeur des programmes d'Arte. Cela ne marche que pour les grands directs en première partie de soirée, comme les matchs de foot, les soirées électorales, les jeux et les talent shows, comme "The Voice" ou "La Nouvelle Star"… »
Le principal intérêt de l'interactivité, c'est qu'elle permet de récupérer une grande quantité d'informations. Et ces dernières sont plus riches que les simples résultats des votes par SMS pour tel ou tel chanteur : désormais, on peut savoir quelle région ou quelle ville a le plus répondu à telle question ; voire, quand les profils des utilisateurs contiennent ces renseignements, faire des tris par sexe ou par classe d'âges. Ces données viennent s'ajouter au contenu de l'émission, sous forme d'infographies affichées en direct (les femmes ont mieux répondu que les hommes, par exemple). A posteriori, leur analyse (quelles réponses ont été les plus difficiles à trouver ?) servira à améliorer les émissions suivantes.

Décider du contenu d'une émission

Bien évidemment, ces renseignements intéressent aussi les annonceurs. « Nous pouvons proposer, pendant la diffusion à la télévision d'une publicité pour un livreur de pizzas, d'afficher sur l'application de cette chaîne une offre promotionnelle pour ces mêmes pizzas : le téléspectateur clique dessus et comme nous savons où il habite, grâce aux données transmises par son téléphone ou son PC, il est mis directement en relation avec le point de vente le plus proche », explique Dan Albritton, cofondateur de Megaphone TV, une start-up new-yorkaise spécialisée dans les solutions pour la télévision interactive.
Les revenus de la publicité interactive intéressent beaucoup de monde. Le premier à tenter d'en profiter a été Twitter. Logique : c'est sur ce réseau social que les internautes échangent le plus de commentaires au cours d'une émission. L'offre Amplify de Twitter, disponible depuis un an, permet à un annonceur dont la publicité passe à la télé d'envoyer simultanément des tweets sponsorisés à des internautes choisis en fonction de leur affinité avec cette émission. Les revenus sont partagés entre Twitter et le diffuseur.
Facebook n'est pas en reste et a révélé, le 21 mai dernier, que son application pour mobile allait écouter ce qui passe autour de nous pour tenter d'identifier quelle chanson nous écoutons ou quel programme télé nous regardons. Officiellement, cela permettra aux internautes de partager plus facilement leur musique ou leur émissions favorites. Mais personne ne doute que Facebook utilisera ces informations pour afficher des publicités ciblées. Des technologies similaires existent d'ailleurs déjà dans les applications MyTF1 et 6Play. « Notre application a accès au microphone du smartphone ou de la tablette et peut donc reconnaître le signal de TF1 », révèle Olivier Abecassis.
Dernier service offert par l'interactivité : permettre aux téléspectateurs de décider du contenu d'une émission. « En décembre dernier, nous avons lancé la première "tweet série" à la française, "What Ze Teuf", sur D8 : quinze épisodes de deux minutes dont le scénario était en partie dicté par des tweets envoyés la veille au soir », indique Fabienne Fourquet, directrice des nouveaux contenus sur Canal+.
En France, le CSA essaye bien sûr d'avoir son mot à dire sur ces nouvelles formes de télévision… qui échappent en partie à sa compétence. « Le Conseil supérieur de l'audiovisuel est compétent pour toutes les données associées diffusées par voie hertzienne, rappelle Emmanuel Gabla, membre du CSA. Pour le reste, en particulier les applications disponibles sur ordiphones et tablettes en lien avec les émissions des chaînes, nous voulons mobiliser les grands acteurs de l'Internet sur un mode d'autorégulation. »
Lexique
Application compagnon : « C'est une application interactive développée pour une émission spécifique, une chaîne ou une marque », explique Pierre Matuchet, PDG de Milky, une agence de « social media ».
Gamification : le fait d'ajouter une couche de jeu interactif, notamment via l'application compagnon.
Indexation : des sociétés comme Boxfish, aux Etats-Unis (pour le contenu détaillé des émissions), ou TVTY, en France (pour les publicités), indexent tout ce qui passe sur les chaînes de télé, afin de faire des recommandations aux téléspectateurs ou aux annonceurs.
Storytelling : la société américaine Social Samba a mis au point une plate-forme d'écriture automatique qui propose des échanges personnalisés sur Twitter avec les personnages d'une série télévisée.

En savoir plus sur http://www.lesechos.fr/journal20140610/lec1_idees_et_debats/0203543233799-jusquou-ira-la-television-interactive-1010939.php?S0wyi3dIespIqTQD.99

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