jeudi 23 janvier 2014

Pourquoi Google débourse 3,2 Md$ pour les thermostats de Nest

Thierry Bardy - tags ; domotique , automotion , investissement , capteurs , Google , Nest 
Larry Page, CEO de Google, avec les fondateurs de Nest, Matt Rogers (à gauche) et Tony Fadell, qui fut vice president de la division iPod d'Apple. (crédit : D.R.) Larry Page, CEO de Google, avec les fondateurs de Nest, Matt Rogers (à gauche) et Tony Fadell, qui fut vice president de la division iPod d'Apple. (crédit : D.R.)
En rachetant Nest, Google s'installe résolument dans l'univers de la maison connectée. Le fabricant de thermostats a été créé par deux anciens d'Apple, Tony Fadell, l'un des pères de l'iPod, et Matt Rogers, en 2010. Jusqu'où Google va-t-il aller sur ce nouveau terrain et pourquoi a-t-il offert un tel montant (3,2 milliards de dollars) à Nest ? Comment va-t-il utiliser les données qu'il pourra ainsi récupérer et avec quelles conséquences pour le respect de la vie privée des utilisateurs ?
Google pénètre chez vous. Hier, le groupe californien dirigé par Larry Page a annoncé qu'il rachetait Nest, un fabricant de détecteurs de fumée et de thermostats, pour prendre pied, de façon déterminée, sur le marché en plein développement de la maison connectée. L'objectif derrière tout cela, c'est de raccorder à Internet le chauffage central, le système électrique et les équipements ménagers (tels que les réfrigérateurs par exemple) pour améliorer leur efficacité et les contrôler à distance. Au passage, les entreprises récupèrent des données sur les habitants du domicile et leurs habitudes, une démarche de collecte d'informations que Google connaît bien et pratique d'autres manières depuis un certain temps.

Google rachète pour 3,2 milliards de dollars le fabricant de thermostat Nest
En rachetant Nest, Google se rapproche du moment où l'on pourra relever à distance la température de son domicile par une commande vocale à ses lunettes connectées.

Le prix déboursé pour Nest, 3,2 milliard de dollars, montre sans détour ce que Google veut faire avec cette acquisition : du business ! Si la transaction est menée à son terme (l'objectif est de pouvoir la finaliser d'ici quelques mois), ce sera l'un des plus importants rachats que Google a réalisé depuis ses acquisitions de Motorola Mobility pour 12,5 Md$ en 2011, de Doubleclick pour 3,1 Md$ en 2007 et de YouTube pour 1,6 Md$ en 2006. La société de Mountain View s'intéresse à Nest au moins depuis 2011. Cette année-là, il a conduit un tour de table pour le fabricant de thermostats, puis un deuxième, l'année suivante.

Une rampe de lancement pour aller plus loin


Les produits de Nest sont contrôlés par WiFi depuis un smartphone et ils peuvent se reprogrammer eux-mêmes en fonction du comportement des individus. Société non cotée, Nest a été fondée en 2010 par Tony Fadell et Matt Rogers, deux anciens d'Apple. Tony Fadell a été vice président de la division iPod et il fut l'un des pères du fameux baladeur. Nest compte aujourd'hui plus de 300 salariés sur trois pays et un grand nombre de ses collaborateurs sont également d'anciens employés d'Apple. Dans une interview à Business Insider, Matt Rogers avait confié qu'on lui avait dit en 2010 qu'il était fou de quitter la firme à la pomme pour créer Nest. Il a aujourd'hui décroché le gros lot.

On peut s'interroger malgré tout sur la raison qui pousse Google à proposer un tel montant pour racheter une si jeune entreprise. Pour commencer, celle-ci dispose à l'évidence d'un vivier d'ingénieurs talentueux qui vont aider le spécialiste de l'Internet à faire son trou sur ce nouveau marché si convoité. Elle pourrait aussi jouer le rôle de rampe de lancement pour lui faire jouer un rôle plus important dans la connexion de tous ces terminaux conçus pour la maison, qui commencent avec les thermostats et iront peut-être un jour jusqu'au grille-pain.

Les thermostats de Nest, société que Google vient de racheter pour 3,2 Md$
Aujourd'hui, les thermostats rachetés avec Nest. Et demain...

« C'est un nouveau domaine pour Google, et c'est tentant de vouloir tirer parti de tous ces terminaux », note Ben Bajarin, directeur des technologies grand public au sein du cabinet d'études de marché Creative Strategies. « Google veut sa propre plateforme pour ce monde d'objets connectés ». Certainement, la société de Mountain View a l'ambition d'augmenter sa présence sur ce secteur. On le voit à travers d'autres produits qu'il vient de lancer, comme son Chromecast, un équipement de 35 dollars pour afficher en streaming sur son téléviseur des films et d'autres contenus. C'est sa réponse à l'Apple TV. Sur les options divertissements, l'appareil permet aussi d'exploiter le Play Store.

Le timing de l'annonce ne doit rien au hasard


Sur son site web, Google propose toutes sortes d'astuces autour de ses services pour la maison. Il y explique par exemple comment utiliser Google+ pour communiquer en famille. La mise en relation des équipements ménagers est un marché émergent sur lequel Google n'a pas l'intention d'être à la traîne. Le timing même de l'annonce du rachat ne doit rien au hasard. Il intervient alors que le Consumer Electronic Show de Las Vegas, énorme manifestation internationale consacrée aux produits grand public, vient tout juste de fermer ses portes après avoir consacré une large place aux objets et à la maison connectés.

Parmi les acteurs qui se positionnent sur ce marché, Samsung a indiqué qu'il développait une plateforme logicielle pour raccorder les équipements ménagers. Il a déjà pris de l'avance d'une certaine façon puisqu'il est le principal fabricant de smartphones, ces derniers constituant justement les terminaux à partir desquels la plupart des équipements connectés du domicile vont être contrôlés. Et Samsung est lui-même un gros fabricant de réfrigérateurs et de machines à laver.

En rachetant Nest, Google met la main sur l'une des start-up dont on a le plus parlé dans le domaine des terminaux connectés l'an dernier, grâce en partie à son pedigree Apple. Cela dit, le géant californien fondé par Larry Page et Sergey Brin travaille déjà à la connexion d'autres types de dispositifs. Il a récemment présenté son Open Automotive Alliance qui embarquera les systèmes Android dans les voitures cette année, pour leur apporter toutes sortes de fonctions complémentaires.

Exploiter à des fins publicitaires les données ainsi récoltées


Mais si Google dispose de davantage d'informations sur la façon dont nous interagissons avec notre environnement ménager, on peut imaginer toutes les possibilités qui s'offrent à lui. Le foyer, c'est la pièce maîtresse du puzzle des objets connectés, souligne Roger Kay, président du cabinet d'études Endpoint Technologies Associates. On voit se profiler l'efficacité avec laquelle Google pourrait gérer ses publicités s'il récupérait des données sur les habitudes de vie d'une famille. La publicité, c'est avant tout l'un des principaux moteurs de son activité et la société récupère le plus d'informations possible, rappelle Ben Bajarin, directeur des technologies grand public au sein du cabinet d'études de marché Creative Strategies. Pour lui, c'est très logique que Google se rapproche de ce marché. Cela va lui permettre de construire cette relation avec le consommateur dans son environnement personnel, ajoute James McQuivey, analyste de Forrester Research.

Mais cette présence accrue au coeur du domicile va soulever d'autant plus de questions sur le respect de la vie privée. Peu après l'annonce du rachat, Matt Rogers, co-fondateur de Nest, s'est exprimé à ce sujet sur le blog de sa société. « Notre politique concernant la vie privée limite l'utilisation des informations sur les consommateurs à l'amélioration des produits et des services Nest ». Il assure que sa société a toujours attaché de l'importance aux questions de confidentialité et qu'elle ne changera pas sur ce point. Jusqu'à quel point Google va-t-il essayer d'étendre sa présence sur le marché des équipements ménagers connectés et comment va-t-il utiliser les données qu'il pourra ainsi récupérer, cela reste à voir.

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