mercredi 22 août 2018

La révolution des assistants vocaux

Après l’ordinateur et le règne du "cliquer", le smartphone et l’ère du "toucher", une nouvelle révolution digitale est en marche avec la montée en puissance des assistants vocaux. Un nouveau monde du "parler" que les marques françaises encore peu investies sur le sujet doivent conquérir sans tarder, au risque de se voir une nouvelle fois imposer les règles du jeu par les géants du web.

En 2014, Spike Jonze imaginait dans le film "Her" la rencontre amoureuse entre Théodore, fraîchement séparé, et "Samantha", une voix féminine, intuitive et volontiers drôle. Née d'un programme informatique ultramoderne capable de s'adapter à chaque utilisateur, l'intelligence artificielle telle qu'imaginée par le réalisateur visionnaire n'est plus, aujourd'hui, totalement une fiction.
Même si pour l'heure, les assistants vocaux sont encore perçus comme "gadget" par les consommateurs, ils devraient s'imposer rapidement dans nos foyers et les 1ers chiffres sont parlants :
Aux États-Unis, 25 % des foyers sont d'ores et déjà équipés d'un assistant vocal : c'était le cadeau "must have" de Noël dernier. Et ce n'est qu'un début : Gartner Group prévoit que 75 % des foyers américains seront équipés d'ici 2020 !
Google estime de son côté que d'ici 2021, 50 % des recherches seront vocales parce que la voix est jugée plus fiable et plus pratique que la recherche écrite (210 mots/minute à l'oral versus 70 à l'écrit et une réponse fiable à plus de 50 %), les assistants vocaux seront à coup sûr plébiscités par leurs utilisateurs dans les années à venir.
Cet immense marché naissant attise la convoitise des géants du digital. Les mastodontes bataillent pour équiper les foyers et devenir leur interlocuteur unique. Sur les rangs : les GAFA, bien sûr, dont la puissance devrait encore se renforcer. Ainsi, Google peaufine son assistant vocal Google Duplex, qui permet de prendre des rendez-vous en fonction de l'agenda, d'envoyer des mails. Cerise sur le gâteau : ces assistants vocaux ont une rapidité et une capacité d'apprentissage remarquables. Les poids lourds du e-commerce se lancent également dans la course, comme Amazon, ou encore Tmall sur le marché asiatique.

Des enjeux considérables pour les marques

Pour les marques, c'est donc une énième révolution digitale qui voit le jour. Google, à l'origine de la première révolution, avait contraint les marques à devenir des marques média et enclencher la bataille du référencement. La seconde révolution est venue des réseaux sociaux qui ont obligé les marques à engager le dialogue, à penser conversationnel. Avec la troisième, emmenée par les applis mobiles, les marques ont du penser "utilité" pour exister sur un smartphone où seule une trentaine d'applications sont installées en moyenne. La quatrième révolution, donc, sera celle du "vocal" et les questions que doivent se poser les marques sont nombreuses.

a. Recherche vocale

La recherche vocale va-t-elle impacter la visibilité des marques ? Nous sommes déjà en train de constater une mutation du moteur de recherche en moteur de réponse. Et les tests que nous pouvons actuellement réaliser envoient un signal fort. 
À chaque recherche vocale réalisée, Google ne nous propose qu'une seule réponse (le fameux résultat 0)... Alors que dans un moteur de recherche les internautes avaient le choix de cliquer sur une multitude de résultats (publicitaires ou naturels), la recherche vocale impose l'excellence pour continuer à exister.
Est-ce la fin de l'hégémonie Google ? Apple, Amazon, Tmall, etc. de nombreux acteurs souhaitent se partager ce nouveau marché, et comme dans les 1eres années du web, il est fort à parier que le marché saura se structurer, dans un 1er temps, autour de plusieurs acteurs permettant une recherche vocale. Google conservera-t-il ses 95 % de parts de marché dans un marché du Search en mutation...

b. Commerce vocal

Le commerce vocal est-il l'avenir ? Domino's pizza, Amazon testent actuellement des applications facilitant l'achat vocal, alors qu'actuellement seuls 2 % des utilisateurs utilisent leur assistant vocal pour acheter (source : The information) ou suivre l'état d'une commande. Clairement les consommateurs privilégient encore les usages basiques d'accès à la musique & aux news et n'ont pas encore le réflexe vocal, mais pour combien de temps ? 
Rappelons-nous du démarrage des 1eres stratégies mobiles... un fiasco alors qu'aujourd'hui, le commerce est devenu mobile.
Et si l'avenir du commerce vocal était dans l'association voix/écran ? Le consommateur fera-t-il confiance à une intelligence artificielle pour échanger, interagir ou acheter uniquement par voix orale... pourquoi pas, après tout il n'est pas rare de communiquer nos coordonnées bancaires à un vendeur par téléphone. Mais il semble que l'un des enjeux sera également de développer des stratégies complémentaires voix/écran permettant à chacun de pouvoir engager un acte d'achat. Difficile par la voix uniquement de réserver un logement à New York ou d'acheter une voiture avec les finitions souhaitées. La vue reste, quoi qu'on en dise, l'élément clé de décision dans l'achat digital.

Les marques françaises à la traine

On l'aura compris : avec les assistants vocaux, une nouvelle mutation de la marque s'impose. Reste à savoir quand et comment se lancer et à dépasser certains freins. On le voit : outre-Atlantique, le marché des assistants vocaux est déjà mature et certaines grandes marques sont extrêmement avancées sur le sujet. La France, elle, accuse un retard certain, avec 9 % seulement des Français qui ont fait l'acquisition d'un assistant vocal, considéré encore plutôt comme un gadget qu'une révolution comme a pu l'être l'iPhone.
La faute en revient à des marques encore frileuses : elles ne sont qu'une poignée à avoir développé des services et des contenus pour les assistants vocaux. Même Sephora, l'exemple l'un des acteurs plus avancés en France (*), ne propose encore qu'une expérience divertissante. Monoprix, Darty, Engie, Guerlain, Pages Jaunes,... plusieurs "early adopters" testent, tentent de construire une nouvelle relation avec leurs clients.
Néanmoins les marques, parfois encore enlisées dans des problématiques de transformation digitale, n'ont pas encore appréhendé ce tsunami. C'est un tort. Nous en appelons aux Chief Technology Officers et Chief Digital Officers et tout autre acteur en charge du numérique : le combat sur les stratégies mobile ou d'applications est déjà obsolète. C'est sur le vocal que la bataille va dorénavant se jouer. 

En conclusion

Repenser la manière de faire du business, construire de nouvelles stratégies web-to-store, pour conduire les clients jusqu'aux magasins, qu'ils soient physiques ou digitaux. Les marques vont devoir créer de nouvelles stratégies publicitaires adaptées à la voix et, pourquoi pas, des chartes sonores. Imaginer des mix voix/écrans. Dans cet univers vocal, la marque devra plus que jamais renforcer son utilité qui, rappelons-le, reste avec l'innovation l'un des leviers essentiels de la préférence de marque

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