Thierry Bardy Orange Labs Recherche et Abderrahmane Kheddar CNRS |
Regards Croisés d’Issy : rencontre avec Abderrahmane
Kheddar, Directeur du laboratoire Franco-Japonais de robotique CNRS/AIST au Japon,
expert des robots humanoïdes.
« Robots
Humanoïdes »*… bientôt en vrai ?
Le 3 avril dernier, Abderrahmane Kheddar était l’invité des
Regards Croisés d’Issy pour faire part de sa passion et de ses recherches en
robotique humanoïde. Un rendez-vous auquel beaucoup de salariés ont répondu
présents. Ce fut l’ocassion de découvrir le parcours de cet expert, de faire le point sur les découvertes, les
perspectives, mais aussi les fantasmes et les craintes que suscite la prochaine
révolution robotique…
Comme le
souligne d’entrée Thierry Bardy, Directeur Marketing &
Management de l’Innovation et animateur des Regards Croisés d’Issy, : « duTerminator
de Cameron à l’ordinateur HAL de Kubrick, en passant par l’agent Smith de
Matrix, les créatures artificielles peuplent depuis longtemps notre
imaginaire ». Un constat qui explique le public, nombreux, présent ce
soir-là. Tous ces salariés viennent écouter Abderrahmane Kheddar qui
depuis sa jeunesse rêve de robotique. « A l’époque, il n’y avait qu’un seul
livre de science dans ma bibliothèque, et il traitait de robotique. J’en ai
donc fait un livre de chevet. Une passion n’a pas toujours été partagée puisqu’à
l’université Paris-XIII, j’étais le seul à passer un Master spécialisé en
robotique. Ensuite, il n’y a eu que moi pour vouloir étudier cette discipline au
Japon ».
Des machines à décrire
Le but d’Abderrahmane
Kheddar : dissoudre la frontière entre le corps humain et ses substituts.
Plus clairement, « il s’agit de donner à la personne qui dirige un robot l’impression
qu’elle se confond avec lui, et qu’elle agisse en conséquence. » La place
de la France dans ce domaine de recherche ? « Excellente au niveau des
connaissances académiques, mais peu performante en termes de produits ». A
titre d’exemple, dans le domaine médical, la France est à l’origine de toutes
les premières mondiales, où pourtant « tous les robots sont
américains »… Des machines impressionnantes, s’étonne Thierry Bardy
puisqu’un « un scalpel de robot sait lorsqu’il est trempé dans de l’eau ou
dans de l’huile !» Abderrahmane Kheddar rappelle la classification
des types de robots : les robots industriels, de service – comme dans le
domaine médical, nucléaire ou militaire – et enfin personnels. « Il se
passe la même chose que dans l’informatique. Nous allons passer des ordinateurs
de calculs aux ordinateurs personnels. » Reste à savoir quelle forme cela
prendra. « Nous en sommes comme dans les années 1970, où l’on ne pouvait
prévoir l’omniprésence actuelle de l’informatique », souligne-t-il.
Humains après tout
A la question de
Thierry Bardy : « Pourquoi développer des robots humanoïdes ? »
Mr Kheddar répond « Parce que notre environnement a été façonné selon
notre corps »,. Pour preuve : « Comment savoir si notre robot
domestique sera capable d’effectuer une tâche précise s’il n’a pas de forme anthropomorphique ? »
On le comprend, cette similarité faciliterait les interactions entre humains et
avatars. Avatar, un film de James
Cameron qui correspond d’ailleurs en de nombreux points aux recherches
d’Abderrahmane Kheddar. « De même que le film Surrogates ! (Clones en
VF, un film où l’on peut acheter une version robotisée de soi-même) ».
J’ai d’ailleurs découvert ce film la veille de notre présentation du projet VERE
– pour « Virtual Embodiment and Roboticre-Embodiment » - devant
une commission européenne pour son financement. Nous leur avons donc expliqué
que le but de nos recherches était tout simplement présenté dans ce film ! »
Les forces de l’esprit
« Sommes-nous capables diriger des choses
pas la pensée ? ». Une question à laquelle les travaux du chercheur
répondent puisque son équipe est la seule à être parvenue à contrôler
pleinement un humanoïde par ce biais. Leur machine est parvenue accomplir toute
une série d’actions qui répondaient à des signaux du cerveau de l’un des
chercheurs, sur lequel étaient placés des capteurs. Une performance qui nécessite
pas moins de trois mois d’apprentissage, explique Mr Kheddar, « et ce pour chaque être humain, les
données variant en fonction des personnes ».
Ces robots pourraient, à terme, aider des
tétraplégiques ou faciliter le quotidien de personnes âgées. Mais avant cela, peut-être devraient-elles aider les humains
à ne pas mettre inutilement leur santé en péril. Comme lors de la catastrophe
de Fukushima, où ce sont bel et bien des hommes, et non des machines, qui ont
été envoyés sur le site… « Et tout le monde sait qu’il ne vivront pas très
longtemps. C’est pourquoi il faut agir et passer d’un désastre robotique,
à une robotique du désastre », conclut Abderrahmane Kheddar.
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