Thierry Bardy
Appgratis fut le buzz de la semaine écoulée . Cette start up sur laquelle la venture capital IRIS , détenue par Orange et Publicis a mis 10 millions d'euros pour son développement. Ausi a t-elle vu son destin s'assombrir en 48 H, dur dur la vie numérique.
Néanmoins, on peut s'interroger sur les décideurs d'IRIS qui me semble personnellement un peu "jeune" dans leur analyse du business plan . La dépendance exclusive du bon vouloir du roi soleil était évidente .Apple peut-il disposer d'un droit de vie ou de mort sur ceux qui tirent parti de l'écosystème que ce géant a su créer ? Que, sans préavis, le géant californien puisse priver d'oxygène et pratiquement condamner à mort une entreprise en pleine croissance a forcément quelque chose de choquant. Avant même de porter un jugement sur le fond, la forme interpelle, car le public découvre que dans ce nouveau monde numérique un colosse peut imposer brutalement sa loi sans voie de recours possible. L'asymétrie est totale… Le faible ne peut rien face au fort. Et les conséquences sont dramatiques puisque, dans ce cyberespace, une poignée d'acteurs dominent totalement le marché mondial. La prime au leader est telle qu'Amazon règne pratiquement seul sur la librairie électronique, iTunes sur la musique, Google sur les recherches en ligne, Facebook sur les réseaux sociaux tandis qu'Apple et l'Android de Google se partagent les terminaux mobiles. Amazon peut-il pour autant interdire un livre, iTunes une chanson, Google bloquer la recherche de certains mots-clefs, Facebook bannir certains sujets de conversation et Apple et Android s'imposer comme des censeurs en matière d'applications pour smartphones ? Laisserait-on, dans la grande distribution, une chaîne contrôler tous les supermarchés de la planète ? Et, si tel était le cas, ce superdistributeur aurait-il le droit de retirer pratiquement sans explication de ses rayons un fournisseur qui n'aurait plus l'heur de lui plaire ?
Sur le fond, la start-up française AppGratis n'a sans doute pas respecté l'une des multiples clauses qu'Apple impose à tous ceux qui commercent via sa boutique en ligne. La jeune entreprise a peut-être innocemment franchi la ligne jaune. Le problème est qu'Apple est aujourd'hui dans une telle position de force qu'il peut dessiner seul le tracé de cette ligne et qu'il peut, en prime, en faire évoluer les courbes en fonction de son humeur. Apple est chez lui et fait comme bon lui semble. Il peut le faire pour de bonnes raisons (bloquer des cyberpirates), pour des raisons qui lui sont propres (bloquer toute application liée au sexe car cela le choque) ou pour de mauvaises raisons (bloquer un service qui risquerait de capter des marges qu'Apple ne veut pas voir lui échapper).
Nul ne peut contester que le génie de la firme à la pomme a ouvert une nouvelle frontière numérique et que c'est en grande partie l'intégration fluide entre les terminaux, les logiciels et les services qui fait le succès de cet univers numérique. Apple a le droit de faire la police chez lui. Mais sa puissance est désormais telle que l'on peut se demander s'il a le droit d'écrire seul les lois et de se faire justice lui-même ? L'antitrust n'interdit pas la position dominante. Il interdit qu'on en abuse
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