Des acteurs comme Google, Amazon ou Facebook veulent profiter du développement du téléphone mobile pour s'imposer sur le marché des moyens de paiement. Une menace redoutable pour les banques.
A lui seul, l'acronyme résonne comme une mise en garde aux oreilles des
banques : « Gafa », pour Google, Amazon, Facebook et Apple.
Ces géants de l'Internet et de l'e-commerce veulent profiter du développement du
téléphone mobile pour s'imposer sur le marché des moyens de paiement. Si peu
sexy et rentable soit-il, ce métier apparaît en effet dans leur écosystème comme
le pendant d'autres services à forte valeur ajoutée, liés aux
nouvelles fonctionnalités offertes par les smartphones. Ceux-ci modifient les
usages en permettant de personnaliser les offres commerciales, d'éviter les
files d'attente ou encore d'identifier par géolocalisation un client potentiel
dans une zone de chalandise.
Jusqu'ici les banques ont affiché un certain flegme. N'ont-elles pas déjà eu
à affronter d'autres offensives sur ce marché coeur, qu'il s'agisse des systèmes
de cartes privatives American Express ou Diners au siècle dernier, ou plus
récemment des cartes affinitaires d'établissement de paiement comme Aqoba ? Des
intrusions cantonnées à des marchés de niche. Mais la donne a changé : les
barrières à l'entrée du marché des moyens de paiement, qui pouvaient refroidir
des acteurs plus petits, n'arrêteront pas ces géants des temps modernes. Ils
disposent en effet tous d'une capitalisation
boursière de nature à leur donner les moyens financiers de leurs ambitions.
L'avalanche de contraintes réglementaires pesant sur le marché des moyens de
paiement est sans doute un frein plus sérieux. C'est la raison pour laquelle les
banques conservent aujourd'hui le statut de tiers de confiance par excellence.
Toutefois, la dernière faille de sécurité, baptisée « Heartbleed », mise au jour
au sein du logiciel OpenSSL, a révélé qu'elles n'étaient pas non plus à l'abri
des hackers. Ce semblant de banalisation est une mauvaise nouvelle alors même
que la directive européenne en préparation sur les services de paiement (DSP2)
promet de faire la part belle aux acteurs non bancaires. « La
possibilité qui serait donnée aux prestataires de services de paiement tiers
d'accéder au compte bancaire de leurs clients pourrait constituer un véritable
cheval de Troie pour les banques », constate Pascal Burg, directeur du
bureau français d'Edgar, Dunn & Company. « Plus généralement, le
régulateur européen donne de plus en plus de pouvoir aux marchands. »
Dans ce contexte, la menace devient d'autant plus précise que les Gafa
lorgnent désormais le commerce physique. Jusqu'ici, leur base de clientèle avait
beau être bien supérieure à celle des banques - Facebook à lui seul dispose de
945 millions d'utilisateurs sur mobile dans le monde -, elle ne leur donnait
accès qu'aux données liées aux transactions en ligne, qui ne représentent pas
plus de 10 % du commerce. Leur connaissance client ne pouvait donc être que très
parcellaire. Mais Amazon a par exemple annoncé son intention d'installer des
tablettes Kindle chez les commerçants pour remplacer leurs caisses
enregistreuses. Comme sur Internet, les données de paiement captées pourront
enrichir les algorithmes utilisés pour approfondir la connaissance de chaque
client et lui faire des offres personnalisées.
Et pourquoi pas aussi dans les services bancaires ? L'exemple d'Alibaba, en
Chine, a de quoi faire réfléchir sur la capacité de ces acteurs à
« désintermédier » les banques. Fort de ses relations avec des dizaines de
milliers de commerçants, le géant chinois du commerce en ligne a proposé des
prêts aux PME, puis de l'épargne. Il a ainsi drainé en quelques mois
50 milliards de dollars, moyennant des taux de rémunération très attractifs. Et
il promet de lancer prochainement une carte de crédit. Certes, le phénomène
« n'est pas transposable dans des pays matures comme les nôtres,
mais cela montre bien que, en habituant le client à gérer ses flux d'argent, on
peut l'amener vers d'autres services bancaires », souligne Olivier
Sampieri, associé au BCG.
Le fait qu'aucun standard de paiement avec un mobile ne se soit encore imposé
garantit un sursis aux banques mais il n'y a plus de temps à perdre pour
organiser la riposte. Si PayPal n'a pas percé aux Pays-Bas, c'est parce que les
banques néerlandaises se sont dotées d'une solution commune de paiement en ligne
baptisée « Ideal », par laquelle passent plus de 84 % des achats en ligne. C'est
ce même type d'alliance entre banques, au sein du GIE Cartes bancaires, qui a
fait le succès de la CB en France. Mais, aujourd'hui, « les établissements
bancaires balancent entre l'idée de s'allier pour s'assurer que ce marché
potentiel ne leur échappe pas et la tentation de faire cavalier seul car ils
voient dans le paiement mobile un axe fort de différenciation », résume
Olivier Sampieri.
L'arrivée de Fivory, le dernier-né des moyens de paiement bancaires, ouvre
une voie intermédiaire. Plutôt que de le déployer lui-même, comme ses
concurrents, le Crédit Mutuel-CIC fait le choix d'en confier la distribution aux
commerçants. Ces ennemis d'hier, qui se sont tant battus contre les banques pour
baisser les commissions liées aux paiements par carte, deviennent ainsi des
alliés. « Comme dans le monde du logiciel, les paiements vont voir se
développer des logiques de "coopétition" : les banques vont s'allier avec des
partenaires dans certains domaines ou géographies et être concurrentes dans
d'autres », anticipe Pascal Burg. Cette logique nouvelle résoudra-t-elle
pour autant la question du standard de place capable de bouter les géants du Net
hors du marché des paiements ? Difficile à dire, mais si coûteux ce pari
puisse-t-il se révéler pour les banques, elles semblent prêtes à le relever.
Apple serait en train de bâtir son propre système de paiement
Apple stocke déjà 400 millions de numéros de cartes bancaires, développe via
iBeacon un réseau de marketing mobile et pourrait ouvrir Touch ID à des tiers.
Prochaine étape : l'infrastructure ?
Apple serait en train de bâtir son propre système de
paiement. Cette assertion provient d'un rapport de Morgan Stanley intitulé
"Mobile Payments - Blue Paper Revisit, EMV in Focus", que s'est procuré VentureBeat. Et effectivement, un tel projet apparaît comme
une étape très logique dans la stratégie de la firme. Rien qu'avec iTunes, Apple
possède les numéros de cartes bancaires de 400 millions de consommateurs. Ce qui
lui confère déjà un sérieux avantage pour se positionner sur le domaine du
paiement.
Tim Cook avait déjà annoncé qu'il comptait lancer de nouvelles catégories de
produits et services en 2014. Lors de la présentation de ses derniers résultats
financiers, le PDG d'Apple a précisément abordé ce sujet : "Globalement, nous
constatons combien les gens aiment pouvoir acheter du contenu - qu'il s'agisse
de musique, de films ou de livres - depuis leur iPhone, en utilisant la
fonctionnalité Touch ID [qui, sur l'iPhone 5S, scanne l'empreinte digitale
pour servir de code d'accès ou valider un achat sur l'App Store, iTunes et iBooks, ndlr]. Elle est incroyablement
simple, facile et élégante. Et ouvre très clairement la voie à de nombreuses
opportunités. Le domaine des paiements mobiles est l'un de ceux qui nous
intrigue et que nous avions en tête en créant Touch ID."'
Tim Cook ajoutait qu'au vu des caractéristiques démographiques des clients
d'Apple et du volume des ventes réalisées via des terminaux iOS, bien supérieur
à la concurrence, ce projet ouvrait la voie à des opportunités bien plus larges.
Par exemple, s'il est pour l'instant possible d'acheter du contenu sur iTunes et
l'AppStore en utilisant Touch ID, cette technologie n'est pas encore disponible
pour les applications tierces. On imagine bien l'ampleur que prendrait cet outil
s'il était mis à la disposition de tous les acteurs réalisant des ventes via des
terminaux sous iOS.
Ceci nécessiterait néanmoins qu'Apple mette en place un service client
spécifique pour accompagner clients et marchands lors des transactions et, bien
sûr, pour traiter les réclamations. A moins bien sûr que la firme n'externalise
cette fonction.
Apple stocke déjà 400 millions de numéros de cartes bancaires, développe via iBeacon un réseau de marketing mobile et pourrait ouvrir Touch ID à des tiers.
Prochaine étape : l'infrastructure ?
Tim Cook avait déjà annoncé qu'il comptait lancer de nouvelles catégories de produits et services en 2014. Lors de la présentation de ses derniers résultats financiers, le PDG d'Apple a précisément abordé ce sujet : "Globalement, nous constatons combien les gens aiment pouvoir acheter du contenu - qu'il s'agisse de musique, de films ou de livres - depuis leur iPhone, en utilisant la fonctionnalité Touch ID [qui, sur l'iPhone 5S, scanne l'empreinte digitale pour servir de code d'accès ou valider un achat sur l'App Store, iTunes et iBooks, ndlr]. Elle est incroyablement simple, facile et élégante. Et ouvre très clairement la voie à de nombreuses opportunités. Le domaine des paiements mobiles est l'un de ceux qui nous intrigue et que nous avions en tête en créant Touch ID."'
Tim Cook ajoutait qu'au vu des caractéristiques démographiques des clients d'Apple et du volume des ventes réalisées via des terminaux iOS, bien supérieur à la concurrence, ce projet ouvrait la voie à des opportunités bien plus larges. Par exemple, s'il est pour l'instant possible d'acheter du contenu sur iTunes et l'AppStore en utilisant Touch ID, cette technologie n'est pas encore disponible pour les applications tierces. On imagine bien l'ampleur que prendrait cet outil s'il était mis à la disposition de tous les acteurs réalisant des ventes via des terminaux sous iOS.
Ceci nécessiterait néanmoins qu'Apple mette en place un service client spécifique pour accompagner clients et marchands lors des transactions et, bien sûr, pour traiter les réclamations. A moins bien sûr que la firme n'externalise cette fonction.
Apple voudra-t-il bâtir sa propre infrastructure de paiement ?
Reste la question de l'infrastructure de paiement elle-même. Apple
voudra-t-il construire la sienne en propre, pour pouvoir contourner les réseaux
existants de type Visa et Mastercard ? Les investissements à y consacrer
seraient bien plus conséquents que ceux alloués au déploiement de call centers.
C'est toutefois faisable, comme l'a prouvé Discover Financial Services en
montant le sien avec succès en 1986. Aujourd'hui, Discover émet des cartes de
paiement, opère une banque en ligne et accorde des prêts immobiliers et
étudiants. Sauf que la situation n'est plus la même aujourd'hui.
Morgan Stanley relève d'ailleurs une autre difficulté. Apple est en train de
déployer toute une infrastructure de marketing mobile dédiée à
la distribution, basée sur la fonctionnalité iBeacon des dernières versions
d'iPhone. Aux Etats-Unis, nombre de magasins et de chaînes sont en train
d'installer des émetteurs bluetooth à basse énergie afin de pouvoir pousser une
publicité ou une offre sur l'iPhone du consommateur qui passe la porte ou
s'arrête devant tel ou tel rayonnage. Le jour où les boutiques permettront aussi
de régler ses achats - et de profiter de ces offres - avec son iPhone, Apple se
retrouvera de fait partie prenante du processus de paiement en
boutique.
Apple a déjà mis un grand
pied dans la porte
Naturellement, l'initiative iBeacon renforce également la probabilité des
grands projets qu'on prête à Apple en matière de paiement. A une exception près.
Ce réseau de beacons sera bien sûr essentiel à la qualité d'un système de
paiement mobile simple et facile à utiliser (d'autant qu'il s'accompagnera de
nombreuses applications). Mais Apple tient généralement à ce que l'expérience
client soit aussi irréprochable que possible dès le lancement de ses nouveaux
produits et services. Morgan Stanley conclut donc : "Nous pensons qu'Apple ne
lancera pas un système de paiement mobile à moins que l'infrastructure qui le
soutiendra ne soit prête".
Ce qui n'empêche pas la convergence de nombreux signaux . Selon les analystes de KGI Securities, Apple pourrait intégrer
le NFC dans l'iPhone 6 et dans l'iWatch qui seront lancés cette année. La presse a également rapporté l'intérêt d'Apple pour une
acquisition de Square, qui permet à tout un chacun d'accepter les paiements par
carte bancaire sur iPhone ou iPad. Autant dire qu'Apple s'apprête manifestement
à fondre sur le secteur du paiement, où il a déjà mis un grand pied dans la
porte.
Reste la question de l'infrastructure de paiement elle-même. Apple
voudra-t-il construire la sienne en propre, pour pouvoir contourner les réseaux
existants de type Visa et Mastercard ? Les investissements à y consacrer
seraient bien plus conséquents que ceux alloués au déploiement de call centers.
C'est toutefois faisable, comme l'a prouvé Discover Financial Services en
montant le sien avec succès en 1986. Aujourd'hui, Discover émet des cartes de
paiement, opère une banque en ligne et accorde des prêts immobiliers et
étudiants. Sauf que la situation n'est plus la même aujourd'hui.
Morgan Stanley relève d'ailleurs une autre difficulté. Apple est en train de déployer toute une infrastructure de marketing mobile dédiée à la distribution, basée sur la fonctionnalité iBeacon des dernières versions d'iPhone. Aux Etats-Unis, nombre de magasins et de chaînes sont en train d'installer des émetteurs bluetooth à basse énergie afin de pouvoir pousser une publicité ou une offre sur l'iPhone du consommateur qui passe la porte ou s'arrête devant tel ou tel rayonnage. Le jour où les boutiques permettront aussi de régler ses achats - et de profiter de ces offres - avec son iPhone, Apple se retrouvera de fait partie prenante du processus de paiement en boutique.
Ce qui n'empêche pas la convergence de nombreux signaux . Selon les analystes de KGI Securities, Apple pourrait intégrer le NFC dans l'iPhone 6 et dans l'iWatch qui seront lancés cette année. La presse a également rapporté l'intérêt d'Apple pour une acquisition de Square, qui permet à tout un chacun d'accepter les paiements par carte bancaire sur iPhone ou iPad. Autant dire qu'Apple s'apprête manifestement à fondre sur le secteur du paiement, où il a déjà mis un grand pied dans la porte.
Morgan Stanley relève d'ailleurs une autre difficulté. Apple est en train de déployer toute une infrastructure de marketing mobile dédiée à la distribution, basée sur la fonctionnalité iBeacon des dernières versions d'iPhone. Aux Etats-Unis, nombre de magasins et de chaînes sont en train d'installer des émetteurs bluetooth à basse énergie afin de pouvoir pousser une publicité ou une offre sur l'iPhone du consommateur qui passe la porte ou s'arrête devant tel ou tel rayonnage. Le jour où les boutiques permettront aussi de régler ses achats - et de profiter de ces offres - avec son iPhone, Apple se retrouvera de fait partie prenante du processus de paiement en boutique.
Apple a déjà mis un grand pied dans la porteNaturellement, l'initiative iBeacon renforce également la probabilité des grands projets qu'on prête à Apple en matière de paiement. A une exception près. Ce réseau de beacons sera bien sûr essentiel à la qualité d'un système de paiement mobile simple et facile à utiliser (d'autant qu'il s'accompagnera de nombreuses applications). Mais Apple tient généralement à ce que l'expérience client soit aussi irréprochable que possible dès le lancement de ses nouveaux produits et services. Morgan Stanley conclut donc : "Nous pensons qu'Apple ne lancera pas un système de paiement mobile à moins que l'infrastructure qui le soutiendra ne soit prête".
Ce qui n'empêche pas la convergence de nombreux signaux . Selon les analystes de KGI Securities, Apple pourrait intégrer le NFC dans l'iPhone 6 et dans l'iWatch qui seront lancés cette année. La presse a également rapporté l'intérêt d'Apple pour une acquisition de Square, qui permet à tout un chacun d'accepter les paiements par carte bancaire sur iPhone ou iPad. Autant dire qu'Apple s'apprête manifestement à fondre sur le secteur du paiement, où il a déjà mis un grand pied dans la porte.
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