Albert Meige
Fondateur et DG de Presans
Harvard business review
L’économiste Adam Smith a identifié trois facteurs clés de la croissance économique : la main d’œuvre, le capital et les ressources.
Alors que la première et la seconde révolution industrielle ont surtout permis d’augmenter la productivité et d’optimiser la répartition du capital, la troisième révolution industrielle va permettre de mieux exploiter les ressources matérielles et immatérielles. Notamment parce que de nouveaux services permettent de pallier la sous-utilisation des ressources dans de plus en plus de domaines. Apple puis Spotify ont changé la façon d’écouter de la musique, Amazon d’acheter des livres, Airbnb de se loger, Uber de se déplacer…
L’ambition est d’identifier les ressources utilisées par les particuliers et les entreprises, de repérer ce qui n’est pas optimal, et de repenser le système dans son ensemble en tirant parti des technologies numériques.
Par exemple, en ce qui concerne les talents, comment les technologies numériques révolutionneront la façon dont les entreprises vont mobiliser les travailleurs ayant les compétences requises, le temps d’un projet ? Les talents sont-ils une ressource comme les autres ? Et si oui, l’entreprise moderne va-t-elle revenir à une forme de marché des talents (avec location des compétences), le tout soutenu par les technologies numériques ?
Sommes-nous à l’aube d’une uberisation des métiers de l’entreprise ?
Ce néologisme d’« uberisation » fait référence à la valorisation d’actifs matériels ou immatériels sous-utilisés via une plateforme numérique, entraînant au passage une réorganisation de la chaîne de valeur historique.
Or si cela touche aujourd’hui les taxis, les hôtels et les banques, ce sera bientôt le cas pour tout type de ressource humaine, et donc potentiellement pour tous les métiers de l’entreprise, signant ainsi la fin du salariat.
L’entreprise, un concept finalement assez récent
Aujourd’hui trois tendances convergent :
1- les entreprises ont besoin de plus en plus d’agilité et de flexibilité,
2- les jeunes générations pensent « entrepreneur » et vendent simultanément leurs talents à de multiples entreprises,
et 3- de nouveaux outils numériques, tels que les plateformes de freelance, facilitent la connexion entre les entreprises et les talents.
La firme préindustrielle diffère de la firme d’aujourd’hui en deux points principaux.
Premièrement, à l’époque, on louait ses compétences. La notion de contrat de travail n’existait pas : il existait à la place un véritable marché des compétences résultant de la demande (des firmes) et de l’offre (des travailleurs).
Deuxièmement, la firme s’appuyait sur des inventions et des innovations faites par d’autres – elle n’investissait pas dans son avenir.
Des tiers produisaient des inventions que les firmes pouvaient acheter.
Changement de décor avec la première révolution industrielle et la machine à vapeur. Les firmes ne peuvent plus compter uniquement sur les découvertes faites par d’autres. Elles doivent prendre le contrôle de leur avenir. On prend alors conscience que l’activité inventive – l’innovation – peut et doit être collective et contrôlée.
Le concept moderne d’« entreprise », relativement récent puisqu’il est apparu à la fin du 19ème siècle, a radicalement changé les notions classiques de travail, de capital et de pouvoir.
Ce fut la réponse à la nécessité d’organiser collectivement l’innovation, en utilisant une approche scientifique. L’entreprise est née, finalement, pour gérer la complexité. Et le marché de compétences a alors été remplacé par le contrat de travail.
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